« Yokai » : Catherine Deneuve, magnifique spectre
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Avant de présider la 50e cérémonie des César, vendredi 28 février, la comédienne irradie dans cette histoire de fantômes tournée au Japon, et en salles ce mercredi.
Par Renaud BaronianVendredi soir, c’est auréolée de l’un de ses plus grands rôles de ces dernières années que Catherine Deneuve va présider la prestigieuse 50e cérémonie des César. Non pas qu’elle ait encore quelque chose à prouver après plus de 65 ans de carrière, mais ce qu’elle nous livre dans « Yokai », en salles ce mercredi 26 février, vient rappeler qu’à 81 ans, la Reine Catherine est encore capable de nous surprendre et demeure l’une des plus grandes.
Signé du grand cinéaste singapourien Éric Khoo, co-produit par la France, en majeure partie tourné au Japon, « Yokai » débute dans notre pays par une scène douloureuse : Claire, chanteuse renommée, assiste à l’euthanasie de sa chienne adorée. Après quoi elle s’envole pour l’Empire du Soleil levant, où elle est adulée, pour y livrer un concert d’adieu. Sauf qu’à la fin du spectacle, elle fait ses adieux pour de bon, décédant soudainement.
Fin de l’histoire ? Non, un nouveau début, car voilà Claire immédiatement passée à l’état de fantôme. Errant dans les rues de Tokyo, elle va vite s’apercevoir que si les humains ne peuvent deviner sa présence, elle peut communiquer avec d’autres spectres coincés comme elle sur Terre.
Parmi lesquels Yuzo, grand musicien dans les années 70 devenu accordeur de pianos respecté, et qui a lui aussi récemment passé l’arme à gauche. Or, il se trouve que le vieux Japonais faisait figure de plus grand fan de la chanteuse française. Pourquoi sont-ils ainsi bloqués parmi les vivants ? Ils vont comprendre qu’ils ont peut-être une mission à accomplir, en l’occurrence veiller au destin de Hayato, le fils de Yuzo, grand réalisateur de films d’animation en perdition qui, très dépressif, est en train de se noyer dans l’alcool. Nos deux fantômes vont alors, en s’invitant de façon invisible dans sa voiture, entreprendre un périple…
Conte fantastique d’une grande tendresse, empreint de nostalgie et emplit de musique, « Yokai », en dépit de son sujet tournant autour de la vie après la mort, tient pratiquement, en 94 petites minutes qui ne ménagent pas la plage d’humour, du feel good movie, à la sortie duquel on se sent mieux.
C’est le genre de film où tous les personnages fument comme des pompiers et picolent sec ― un peu trop dans le cas de Hayato ―, s’émerveillant sans cesse de la beauté des paysages, des voitures anciennes, des planches de surf des années 60- qui les entourent, se réjouissant à chaque fois qu’ils entendent l’un des titres du répertoire de Claire. Sur ce dernier point, ils n’ont pas de mal : c’est Jeanne Cherhal qui signe ces chansons magnifiques, qu’on semble connaître depuis toujours alors qu’on les découvre.
Si les deux principaux comédiens japonais du film, Masaaki Sakai (Yuzo) et Yutaka Takenouchi (Hayato) livrent des prestations formidables, la partition de Catherine Deneuve illumine « Yokai ». Toute spectrale qu’elle est supposée être, elle fait preuve d’une présence époustouflante, d’abord un peu perdue puis d’une belle énergie pour un fantôme, magnifique ― elle paraît vingt ans de moins que son âge, tout en nuances… Une très grande composition, d’une infinie douceur : merci Madame !
comédie dramatique fantastique franco-nippo-singapourienne d’Éric Khoo, avec Catherine Deneuve, Yutaka Takenouchi, Masaaki Sakai… (1h34)
Le Parisien