Reno sur le retour des Dieux Forts

Comme décrit dans les articles précédents de cette série, RR Reno estime que ceux qu’il appelle les dieux forts doivent revenir dans la vie publique. Ce n’est pas quelque chose qu’il considère comme souhaitable en soi, c’est quelque chose qu’il considère comme inévitable. D’une manière ou d’une autre, les dieux forts reviendront :
Nous aspirons à nous unir aux autres, non seulement par les liens du mariage, mais aussi par des liens civiques et religieux. Le « nous » naît de l’amour, une force féroce qui cherche à se reposer sur quelque chose de plus grand que soi… Nos cœurs restent agités. Ils cherchent à se reposer dans la loyauté envers des dieux forts, dignes de la dévotion et du sacrifice de l’amour. Et nos cœurs trouveront ce qu’ils cherchent.
Cela demandera du travail et des efforts actifs. Une caractéristique clé qui distingue les dieux forts unificateurs des dieux faibles diviseurs est que les dieux forts unificateurs nécessitent un engagement et des efforts :
La solidarité qui se manifeste dans le « nous » est toujours politique au sens le plus large du terme. Parce que le « nous » n’est pas naturel – c’est-à-dire qu’il n’est pas simplement une conséquence de notre humanité commune ou d’une dynamique biologique de connexion génétique – sa particularité exige un effort intentionnel pour la créer, la guider et la maintenir. En bref, le « nous » n’est pas le fruit du hasard.
On ne peut pas en dire autant des dieux obscurs de la politique identitaire :
Ils n’ont pas besoin d’activité libre pour entretenir et promouvoir un amour partagé. Ils sont des dieux de l’identité, pas de la communauté politique… Cette mémoire et cet épanouissement nécessitent une action humaine, car ce qui a été enduré doit être raconté et les liens de solidarité doivent être renouvelés. En revanche, le fait brutal d’avoir une même couleur de peau n’exige pas une telle action humaine, même si dans l’environnement artificiel des universités un pseudo « nous » s’est formé autour des griefs et des théories de l’injustice systémique.
Alors, qu’est-ce qui garantira le retour des dieux bienveillants, plutôt que des dieux sombres ? Reno a quelques suggestions. Les gens doivent être motivés par un sentiment d’amour – « l’amour du divin, l’amour de la vérité, l’amour de la patrie, l’amour de la famille… Cela nous pousse à sortir de nous-mêmes, à briser les limites d’une existence centrée sur le moi. L’amour cherche à s’unir et à se reposer en ce qui est aimé. »
Mais, selon Reno, ces amours unificatrices sont traitées avec dédain par les élites – ce sont « des amours que les puissants ne semblent pas partager ». Par exemple, les élites « considèrent les préoccupations concernant la stabilité de la famille dans l’Amérique du XXIe siècle comme des expressions de « patriarcat » ou d’« hétéronormativité ». Les appels patriotiques sont « démasqués » comme racistes ou xénophobes… De cette manière et d’autres, notre classe dirigeante traite les défis politiques indésirables comme des phobies à dénoncer plutôt que comme des idées à affronter selon ses propres termes ».
Reno, au contraire, considère la loyauté patriotique comme un dieu fort et essentiel pour maintenir l’unité du peuple d’une nation :
Nos amours communes – l’amour de notre terre, de notre histoire, de nos mythes fondateurs, de nos guerriers et de nos héros – nous élèvent à un point de vue plus élevé. Nous considérons notre intérêt privé comme faisant partie d’un tout plus vaste, le « nous » qui fait appel à notre liberté pour servir le corps politique avec intelligence et loyauté. Comme l’a reconnu Aristote, cette loyauté est intrinsèquement épanouissante, car elle satisfait le désir humain de transcendance.
Le véritable patriotisme est aussi un contrepoids à la montée des hommes forts et des dirigeants dangereux :
Car privés des amours vraies et ennoblissantes, dont l'ardeur patriotique fait sûrement partie, les hommes se tourneront vers les démagogues et les charlatans qui leur proposeront des amours fausses et avilissantes.
La loyauté familiale et les communautés religieuses sont également des dieux puissants qu’il faut souligner – notamment parce qu’ils servent eux aussi de contrepoids aux dieux puissants d’un nationalisme pervers :
La modernité nous pousse à donner notre cœur à la politique et aux nations, ce qui explique pourquoi les passions idéologiques sont si facilement déclenchées. Nous imaginons facilement la nation comme étant plus que notre foyer civique ; elle est notre sauveur. Pour combattre cette idolâtrie, nous devons nourrir les sources primitives de solidarité qui limitent les revendications du « nous » civique : la société domestique du mariage et la communauté surnaturelle de l’église, de la synagogue et d’autres communautés de transcendance.
Lorsque ces trois forces sociales sont toutes traitées avec le respect qui leur est dû, elles parviennent à une sorte d’harmonie qui fait ressortir le meilleur d’elles-mêmes :
Tout au long de l’histoire de l’Occident, les communautés de transcendance ont maintenu la nation sous contrôle d’en haut, tandis que les liens conjugaux et domestiques de la loyauté familiale l’ont maintenue sous contrôle d’en bas. Tirons les leçons de cette histoire : les meilleures protections contre les dangers de la perversion de l’amour sont les amours qui nous ennoblissent et nous procurent le repos. Les solidarités de la vie domestique et de la communauté religieuse ne sont pas en contradiction avec le « nous » civique. Au contraire, les dieux forts peuvent se renforcer mutuellement, préparant nos cœurs à de nombreuses dévotions.
Reno pense qu’il y a « une composante politique dans cette restauration. Les politiques fiscales et d’emploi peuvent avoir des effets à la marge ». Mais la politique ne peut pas être le moteur principal – « la politique culturelle est plus importante ». Ceux qui cherchent à garantir le retour des versions les plus nobles des dieux forts doivent s’engager et faire avancer le débat :
Notre tâche consiste donc à restaurer la vie publique en Occident en développant un langage d’amour et une vision du « nous » qui convienne à notre dignité et qui fasse appel à notre raison ainsi qu’à notre cœur. Nous devons prêter attention aux dieux puissants qui viennent d’en haut et animer le meilleur de nos traditions. Seul ce type de leadership empêchera le retour des dieux sombres qui s’élèvent d’en bas.
Ceci conclut mon résumé du livre de Reno. Dans les prochains articles, je décrirai ce que Reno a bien compris et ce qu'il a mal compris.
econlib