Dogu Ergil a écrit | Leadership et responsabilité civique : deux piliers de la démocratie

Pour commencer : La démocratie n’est pas seulement l’œuvre de ceux qui sont élus, mais aussi de ceux qui choisissent.
Dans les discussions sur le fonctionnement, la santé et l’avenir des démocraties, le rôle et les caractéristiques des dirigeants sont souvent mis en avant. Les présidents, les premiers ministres et les parlementaires sont tous évalués dans le cadre de leur équité, de leur transparence, de leur moralité et de leur performance dans le service public. Il existe cependant un autre élément fondamental qui est particulièrement négligé :
Responsabilité citoyenne…
La démocratie n’est pas seulement un système gouverné par des dirigeants ; C’est un mode de vie qui se reproduit constamment à travers la participation consciente et les actions quotidiennes des citoyens.

Sans citoyens responsables, le leadership devient déconnecté, élitiste et fragile. Dans une société qui se retire de la vie publique et abandonne son obligation de rechercher l’information et de questionner, la démocratie s’effondre de l’intérieur. Les élections deviennent des cérémonies formelles, les débats publics deviennent des spectacles superficiels ; les libertés sont érodées en silence.
Sans une population informée et consciencieuse, même les dirigeants les plus vertueux seraient laissés seuls pour préserver les normes démocratiques.
Tout au long de l’histoire, les crises démocratiques ont été causées non seulement par un mauvais leadership, mais aussi par des citoyens agissant par désespoir, apathie et loyauté aveugle. Les régimes autoritaires qui ont surgi en Europe au XXe siècle (nazisme, fascisme, communisme) en sont des exemples douloureux.
D’un autre côté, les sociétés dotées d’une forte conscience civique ont démontré leur capacité à réparer et à renforcer leurs démocraties même en temps de crise.

La citoyenneté démocratique n’est pas un rôle temporaire dont on se souvient pendant les périodes électorales. Cela implique des responsabilités quotidiennes (et continues) telles que la recherche d’informations, la volonté de comprendre les différents points de vue, la remise en question de l’autorité, la défense des droits fondamentaux et la résistance pacifique lorsque cela est nécessaire.
Se réfugier dans la zone de confort individuelle et laisser la gestion de la sphère publique à l’initiative d’autrui est l’ennemi silencieux de la démocratie.
Les dirigeants ne se contentent pas de gérer ; Elle est également chargée de protéger les valeurs démocratiques et d’encourager la participation citoyenne. Les citoyens, quant à eux, doivent remettre en question chaque politique présentée par les dirigeants, s’y opposer si nécessaire et établir et exiger des normes pour une vie commune meilleure. La démocratie naît à l’intersection de ces deux responsabilités.
L’avenir des démocraties ne dépend pas uniquement des résultats des urnes. La démocratie ne peut durer longtemps sans citoyens informés, responsables et courageux. Lorsque les dirigeants gouvernent avec responsabilité et intégrité et que les citoyens agissent avec conscience, la démocratie devient non seulement un style de gouvernement, mais une culture de vie. La démocratie n’est donc pas un privilège temporaire, mais un droit permanent qui se transmet de génération en génération.
Alors, quelles sont les responsabilités des citoyens dans les démocraties ?
Être informé : Être déterminé à suivre l’agenda et à protéger les droits et libertés fondamentaux.
Être questionneur : évaluer l’autorité de manière critique. Surveiller d’un œil critique la performance, l’efficacité et l’honnêteté de la direction.
Participer : Participer activement aux activités de la société civile, pas seulement aux élections. Ne pas tout laisser aux gouvernements centraux et locaux.
Respect du pluralisme : Tolérer les différences et les considérer comme un enrichissement. « Qu’il en soit ainsi ; qu’il en soit ainsi comme je le dis ; qu’il en soit ainsi comme je suis » ne témoigne ni d’égoïsme ni de fanatisme.
Considérer le bien commun : Penser au bénéfice de la société en transcendant les intérêts personnels.
Les citoyens démocrates doivent être très sensibles à trois menaces fondamentales qui pèsent sur le régime et sur leurs droits et libertés :
Manque d’intérêt pour la politique (la gestion de la vie quotidienne) : Le manque de participation aux processus politiques profite aux dirigeants qui veulent accroître leur pouvoir et aux oligarques qui veulent élargir leur sphère d’intérêts.
Résister à la pollution de l’information et à la désinformation : ne pas permettre la perte d’un sens partagé de la réalité.
Ne pas permettre aux dirigeants qui font appel à leurs émotions à court terme de saper les institutions démocratiques en se laissant berner par de vaines promesses de pouvoir, de grandeur et d’un avenir brillant.
Pour conclure, présentons quelques exemples de citoyenneté et de démocratie à travers le monde :
- Islande : les citoyens ont écrit la constitution
Après la crise économique de 2008, la confiance du public dans le gouvernement islandais a été fortement ébranlée. Le gouvernement a alors décidé que la nouvelle constitution serait élaborée avec la participation du public. Un conseil composé de 25 citoyens ordinaires a été créé. Le conseil a reçu des suggestions directement du public via les médias sociaux et a élaboré le projet de constitution. Cette méthode, où chacun participe au processus, est l’un des meilleurs exemples de participation citoyenne démocratique.
- Allemagne : le pouvoir de la société civile
L’Allemagne a accordé une grande importance au renforcement des organisations de la société civile et des mécanismes de participation locale, en particulier dans la période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, en Allemagne, les citoyens contribuent directement à la gouvernance dans de nombreux domaines, des conseils de quartier aux forums nationaux. Cette culture civique dynamique est considérée comme l’une des pierres angulaires de la stabilité de la démocratie allemande.
- Tunisie : L'espoir s'estompe du Printemps arabe
Alors que les efforts de démocratisation ont échoué dans de nombreux pays du Moyen-Orient lors du Printemps arabe qui a débuté en 2011, un solide réseau de la société civile a aidé la démocratie à survivre en Tunisie. Différents syndicats, organisations de défense des droits de l’homme et associations professionnelles se sont unis sous l’égide du « Quartet du dialogue national » et ont été les pionniers de la réalisation d’une transition politique pacifique. Cette réussite a été couronnée par le prix Nobel de la paix 2015.
Cependant, le président Kays Said a ensuite dissous le parlement et s'est tourné vers l'autoritarisme. Une fois réélue en 2024, la Tunisie a largement perdu son caractère démocratique. Le processus de démocratisation, qui avait bien commencé, s’est terminé par une déception ; Cela a prouvé une fois de plus à quel point la démocratie est fragile et à quel point la responsabilité citoyenne est importante.
- Corée du Sud : Révolution aux chandelles
En 2016, des millions de citoyens en Corée du Sud ont organisé des manifestations pacifiques exigeant la démission du président impliqué dans un scandale de corruption. La « Révolution aux chandelles », qui a duré des semaines, a montré au monde que la participation déterminée et pacifique du peuple peut créer un changement politique. En conséquence, le président a été démis de ses fonctions et la démocratie sud-coréenne a continué sur la voie du renforcement.
Les démocraties naissent avec des élections et vivent avec la responsabilité civique.
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