Sur le sens de la vie

À une époque comme la nôtre, aussi particulière soit-elle, je me demande : comment est-il possible que cette méthode, qui a obtenu tant de succès à l’étranger, n’ait pas encore pénétré les pratiques portugaises ? Comment est-il possible que la grande majorité de nos étudiants en psychologie, en médecine et en philosophie n’aient jamais entendu parler de ce psychiatre qui a bouleversé le monde ?
Personne ne sait vraiment quoi faire de la vie, qui nous apparaît sans que nous le demandions, s'enfuit sans que nous le voulions, et tant d'autres clichés indissociables d'une conversation comme celle-ci. La vérité, cependant, est qu'elle représente tout ce que nous avons, à tel point que sa théorisation devient la toile de fond de toutes les autres.
Dès l'origine, l'humanité a ressenti le besoin de définir le but de son existence, afin de ne pas errer comme un roseau agité par le vent, prêt à capituler devant la moindre tribulation. Les peuples de l'Antiquité classique, plongés dans une conception quasi panthéiste de la communauté, révélaient leur but en termes de besoins légitimes d'autrui, d'où émergeait une absolutisation des vertus (ou des valeurs, comme on dit aujourd'hui, avec une indulgence répugnante) : l'objectif de la vie humaine, selon Aristote, était d'atteindre le juste milieu, qui subsumait le courage, la tempérance, la libéralité, la prudence, etc. Au Moyen Âge, les théologiens catholiques, et en particulier Augustin d'Hippone, sans négliger les vertus, les relativisaient à une fin supérieure à la communauté et à la vie elle-même : le Royaume des Cieux.
Le raisonnement augustinien était remarquable : le sens de quelque chose doit être trouvé en dehors de ce quelque chose, sous peine d'autoréférentialité. Personne ne veut l'école pour l'école, mais pour le marché du travail ; personne ne veut le travail pour le travail, mais pour l'argent ; personne ne veut l'argent pour l'argent, mais pour les produits (n'est-ce pas là le sens même de la loi de Say ?). Alors pourquoi désirerions-nous la vie sur Terre… pour la vie sur Terre ? De toute évidence, cette logique, si simple, si fondamentale pour l'individualité, si grossière, n'a pas survécu aux siècles de courbes, dont nous avons hérité le même élan de nouveauté derrière Instagram et TikTok.
Aussitôt, les nihilistes firent leur apparition, dans un chant rappelant les vers de Ruy Belo : « En un de ces jours de douce tristesse / déjà las de tant d’expérimentations / moi qui ne me suis pas encore donné la mort / j’aimerais peut-être me donner la mort. » Puis vinrent les hédonistes, qui, comprenant que la vie n’est possible que dans l’ivresse ou sous le poids de la croix, optèrent pour la première option. Puis vinrent les absurdistes, qui recommandèrent au pauvre Sisyphe de prendre goût à la pierre.
Mais ceux qui se tuent ne reviennent jamais dire si cela en valait la peine ; l'ivresse comble des vides sordides ; et Sisyphe a depuis longtemps jeté la pierre, l'échangeant contre des haltères. De fait, le citoyen d'aujourd'hui, si éloigné du surhomme prophétisé par Nietzsche, cherche désespérément un sens, à tel point qu'il le trouve… chaque semaine, entre les murs tièdes d'un centre commercial.
Le parti pris frénétique du capitalisme post-industriel, ainsi que l'enracinement de la société dans le marché auquel il a conduit (K. POLANYI), ont transformé l'identité en une marchandise : pour
Que reste-t-il d'un alter ego, d'un beto, d'un hippie, d'un hipster ou d'un gothique, privé de Spotify et de quelques vêtements ? Une solution plus durable, plus réelle, plus humaine est nécessaire – et c'est là qu'intervient Viktor Frankl.
Né à Vienne à l'aube du mouvement nazi, ce psychiatre juif a enduré les camps de concentration d'Auschwitz et de Dachau, où il a été le pionnier de sa célèbre école de pensée : la logothérapie. Au milieu des atrocités du siècle, Frankl a constaté que si certains succombaient, d'autres s'amélioraient émotionnellement et moralement. Il lui appartenait de découvrir les motivations de ces derniers, absentes chez les premiers.
La réponse se trouvait dans le problème du sens évoqué plus haut, qui, pour les « vainqueurs » – des hommes et des femmes comme Maximilien Kolbe, Hannah Arendt et Frankl lui-même – était plus assumé qu'inventé, davantage un aspect constitutif du soi qu'une enveloppe sociale freudienne. En effet, la méthode logothérapeutique consiste à aider le patient à trouver (et c'est le verbe !) son sens, trop immanent pour être une imposition religieuse et trop transcendant pour correspondre à une création arbitraire.
Cette observation a été associée au concept de « maladies noogènes » : des troubles mentaux résultant non pas de déséquilibres neuronaux, mais d'un manque de sens. À une époque comme la nôtre, aussi particulière que la nôtre le sera toujours, je me demande : comment est-il possible que cette méthode, qui a obtenu tant de succès à l'étranger, n'ait pas encore pénétré les cabinets de consultation portugais ? Comment est-il possible que la grande majorité de nos étudiants en psychologie, en médecine et en philosophie n'aient jamais entendu parler de ce psychiatre qui a bouleversé le monde ?
Enfin, s'il est un ouvrage capable de compléter cet article, c'est bien l'œuvre de Frankl, et plus précisément son livre le plus populaire : « À la recherche du sens de la vie ». Que chacun le lise ! Que chacun l'analyse avec le soin de celui qui tisse les vêtements de sa vie intérieure ! Et que chacun l'aborde sans le scepticisme de celui qui s'écrie : « Je ne sais pas où je vais, / Je ne sais pas où je vais / Je sais que je ne vais pas par là ! » (José Régio).
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