En Allemagne, on en a parlé trop tard : l'Europe
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Les élections en Allemagne ont été des montagnes russes : d'abord il a été question d'économie, ensuite de l'ingérence américaine dans ces élections, d'une politique d'asile plus stricte, du maintien du Firewall (le rejet de la coopération avec l'extrême droite AfD) et enfin aussi du possible départ de Trump de l'Europe. Le résultat de cette thérapie de choc abrégée est que l’électeur allemand se rend compte mieux que quiconque de l’importance pour la politique de prendre désormais un nouveau cap. C'est ce qui ressort également du taux de participation historiquement élevé de 84 pour cent, le plus élevé depuis 1990.
La question reste de savoir si l’électeur est bien informé des grands défis auxquels le pays est confronté avec cette campagne électorale. Ce sujet a été à peine évoqué durant la campagne. Avec leurs programmes électoraux, les futurs nouveaux partis de coalition, la CDU et le SPD, ont délibérément donné un beau spectacle. Le programme de la CDU, en particulier, progresse rapidement et à grands pas. Le point de départ du parti est que la confiance dans l’économie sera automatiquement restaurée après des coupes dans les dépenses publiques, une déréglementation et des baisses d’impôts pour les citoyens et les entreprises. Mais ce n’est pas acquis.
Les sociaux-démocrates ont également fait des promesses qu’ils ne peuvent tout simplement pas tenir. Selon le chancelier Olaf Scholz, le soutien militaire à l’Ukraine ne peut pas se faire au détriment de la politique sociale : il ne s’agit pas de choisir entre l’un ou l’autre, mais les deux. Le SPD promet des allègements fiscaux pour les revenus moyens inférieurs, une réduction de la TVA et une augmentation du salaire minimum.
Alors, de beaux cadeaux. Il est toutefois peu probable que l’ensemble du programme puisse être réellement mis en œuvre.
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Car les défis auxquels est confronté le nouveau gouvernement allemand en formation sont sans précédent. On peut citer comme exemple le retard dans l’entretien des écoles, des routes et des ponts qui est apparu pendant les années Merkel. Selon les estimations, 50 milliards d’euros seront nécessaires pour rénover les écoles et 400 milliards d’euros pour l’entretien et la construction d’autoroutes, de voies ferrées et d’infrastructures énergétiques.
Les dépenses de défense devraient également être augmentées de 2 % du PIB à éventuellement 3,5 %. Un calcul simple montre que le budget de la défense devrait alors être augmenté d’un peu moins de 90 milliards à 150 milliards d’euros. Il n’en est fait aucune mention dans aucun des manifestes électoraux.
Le plus grand défi auquel l'Allemagne est confrontée est de savoir si le pays, en tant qu'économie la plus importante de l'UE, sera en mesure de prendre la tête de l'Europe afin que l'UE puisse s'imposer dans le nouveau jeu de puissance géopolitique. Le chancelier désigné Friedrich Merz est convaincu que l’Allemagne doit assumer ce rôle. Il existe certainement des opportunités, mais le leadership au sein de l’UE n’est pas gratuit. Scholz l’a également remarqué. Dans son célèbre discours de Zeitenwende , peu après l'invasion russe de l'Ukraine, il a souligné l'importance de construire la prochaine génération d'avions de combat en collaboration avec la France. Au moment opportun, le ministre allemand de la Défense n'a pas commandé d'avions de combat Eurofighter mais des F-35 américains, qui peuvent être livrés beaucoup plus rapidement.
Parapluie de sécuritéLes choses ne se sont jamais bien passées pour Macron. En août 2022, Scholz a lancé l' initiative European Sky Shield (ESSI) pour parvenir à un système de défense aérienne européen intégré. On pourrait dire que c’est un exemple de réussite du leadership allemand. 23 pays y participent désormais. Les absents notables sont la France et l’Italie, qui développent leurs propres systèmes de défense aérienne qui ne participent pas à l’ESSI.
La quête française d’autonomie européenne n’est pas exempte d’intérêts personnels. Si le parapluie de sécurité américain venait à disparaître, l’Allemagne et les Pays-Bas chercheraient une protection sous la forme d’une arme nucléaire européenne. En tant que puissance nucléaire, la France peut jouer un rôle important à cet égard, mais elle exigera certainement quelque chose en retour.
Les relations avec la Pologne, qui deviennent de plus en plus importantes sur le plan économique et militaire, revêtent également une importance capitale pour l’Allemagne. Mais Scholz n’a pas non plus réussi à intensifier ses relations avec le nouveau gouvernement polonais Tusk. Tusk ne peut pas se permettre de coopérer avec l’Allemagne sans un geste généreux du gouvernement allemand.
Après tout, le parti polonais PiS le présente systématiquement comme un agent de l’Allemagne. Donald Tusk doit donc être en mesure d’expliquer pourquoi il se tourne vers l’Allemagne. En Pologne, la contestation est forte à propos des contrôles renforcés aux frontières, qui font perdre inutilement du temps aux voyageurs polonais. En outre, la Pologne est fermement engagée en faveur du renforcement du flanc oriental de l’OTAN et des dépenses de défense européennes. Merz devra donc également ouvrir son portefeuille pour améliorer structurellement ses relations avec la Pologne.
Rétablir la confianceEn outre, la nécessité de réformer réellement l’UE s’accroît de jour en jour. La voie tracée par Mario Draghi dans le rapport qui porte son nom – plus de marché, plus d’innovation, plus d’investissement dans une infrastructure numérique – a été rejetée par Merz parce qu’elle coûte trop cher.
La principale tâche du nouveau cabinet est de regagner la confiance des citoyens et des entreprises. Dans plusieurs circonscriptions est-allemandes, comme Bautzen et les Monts Métallifères, le parti d'extrême droite radical AfD a remporté plus de 45 % des voix. L’AfD a une vision du monde très différente, dans laquelle les problèmes intérieurs occupent une place centrale. En Allemagne de l’Est en particulier, la fête est devenue partie intégrante de la culture régionale. Vous ne pouvez plus l'éviter. Il est urgent de rétablir la confiance dans la politique. La politique allemande devra à nouveau proposer une perspective d’avenir crédible, qui apporte des solutions aux problèmes locaux, régionaux, nationaux et européens.
Merz a un avantage : il y a un sentiment d’urgence quant au rôle de l’Allemagne en Europe. C’est ce que cette campagne électorale, et en particulier l’implication américaine, a apporté.
nrc.nl