Gaza et la trêve au point mort. Analyse de Kepel : « Israël est impuissant. C’est désormais le Hamas qui tire les ficelles. »

Rome, 29 octobre 2025 – Une situation au point mort , où le Hamas s'est renforcé et où le président Trump semble être tombé dans un piège. Gilles Kepel, politologue français spécialiste du Moyen-Orient contemporain et des communautés musulmanes en Occident, explique pourquoi, même avec un cessez-le-feu durable, la situation dans la bande de Gaza demeure complexe.

Professeur Kepel, la trêve à Gaza semble se fragiliser. Le président Trump affirme qu'elle tiendra, tandis que son vice-président Vance évoque des escarmouches. Qu'en pensez-vous ?
« En théorie, cela pourrait même fonctionner, mais le problème est plus vaste. Après l'accord sur l'échange d'otages et de prisonniers, la seconde partie, celle concernant l'aspect politique, n'avance pas. Personne n'est en mesure, ni ne souhaite, désarmer le Hamas. »
Donc pas de deuxième phase ?
La mise en place d'une force internationale de maintien de la paix demeure une possibilité incertaine. Même les pays arabes, que les Européens souhaiteraient impliquer dans l'envoi de troupes et la recherche d'armes dans les tunnels du Hamas, ne sont pas réellement disponibles : une telle opération serait extrêmement dangereuse. Pour l'instant, le Hamas reste en position de force : il refuse de déposer les armes et maintient une ligne de négociation qui, dans les faits, maintient le statu quo à Gaza. Quiconque souhaite le désarmer peut essayer, mais personne ne le fera.
Il a déclaré que le Hamas est en position de force, mais que pensez-vous de Netanyahu ?
« Dans ce contexte, Netanyahu se retrouve embourbé. Après la provocation du Hamas, avec le meurtre d'un soldat israélien dans une zone sous contrôle israélien, il a riposté par une nouvelle attaque. Mais il s'agissait probablement d'une provocation délibérée, destinée à le contraindre à réagir et à le mettre en difficulté avec les États-Unis. Or, aujourd'hui, il est impuissant ; il ne peut plus lancer d'offensive d'envergure. »
Quel avenir attend cette région ?
Le processus de négociation est au point mort et l'avenir de la bande de Gaza demeure incertain. Parallèlement, la crise redessine les lignes de fracture au Moyen-Orient. D'un côté se trouvent les deux pays les plus proches des Frères musulmans et donc du Hamas : le Qatar, extrêmement riche mais militairement faible, et la Turquie, véritable puissance militaire. Tous deux sont désormais considérés par Trump comme des interlocuteurs privilégiés, capables d'influencer le Hamas et de contenir la violence. Cette situation engendre cependant une immense frustration chez les autres alliés de Washington dans la région, notamment l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis.

Et l'Égypte ?
L’Égypte constitue un cas particulier. Elle participe au processus en contrôlant le point de passage de Rafah, par lequel transite une grande partie de l’aide humanitaire, et joue à ce titre le rôle de « gendarme central ». De plus, le Caire compte environ 50 000 membres des Frères musulmans emprisonnés : il se montre donc extrêmement prudent à l’égard du mouvement palestinien.
Peut-on dire que le plan de Trump pour le Moyen-Orient est dans l'impasse ?
« À l’heure actuelle, c’est un véritable piège. Trump a, en quelque sorte, ouvert la boîte de Pandore. Il a suscité de grands espoirs à Gaza comme en Israël, mais le cessez-le-feu demeure fragile. Les visites de Vance, Rubio et d’autres n’ont pas produit de résultats concrets, et cette incertitude alimente un risque sérieux. L’administration Trump ne semble pas capable de mener une diplomatie patiente. C’est une équipe de négociateurs , habitués à la logique immobilière, et non à la médiation politique. L’avenir reste donc incertain. »
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