Le Québec souffre, l'Ontario et le Nouveau-Brunswick y gagnent? Des médecins envisagent de quitter la province en raison d'un nouvel accord imposé.

Les répercussions se poursuivent au Québec après que le gouvernement de la Coalition Avenir Québec (CAQ) a invoqué la fermeture des bureaux pour faire adopter de force un projet de loi controversé modifiant la façon dont les médecins sont rémunérés.
Le projet de loi 2 a été adopté samedi, moins de 24 heures après avoir été déposé par le ministre de la Santé, Christian Dubé.
En vertu de cette législation, une partie de la rémunération des médecins sera liée à des objectifs de performance relatifs au nombre de patients dont ils s'occupent, notamment les plus vulnérables.
Le Nouveau-Brunswick et l'Ontario semblent tous deux bien placés pour en bénéficier, car de plus en plus de médecins annoncent qu'ils quitteront le système de santé publique du Québec en réaction à cette loi spéciale.
Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, n'a pas tardé à réagir, déclarant mercredi aux journalistes à Toronto qu'il souhaitait intensifier les efforts de recrutement au Québec.
« Appelez le 1-800-Doug-Ford », dit-il. « Tous les médecins, passez me voir, appelez-moi sur mon portable… on vous remettra au travail très vite. »
« Ce n’est pas le moment de s’attaquer les uns les autres », déclare Legault.Mercredi après-midi, le premier ministre du Québec, François Legault, a qualifié les propos de Ford d'inacceptables et l'a fustigé pour son « manque total de jugement ».
« Ce n’est pas le moment de s’attaquer les uns aux autres. C’est le moment de travailler ensemble », a déclaré Legault, qui a insisté sur le fait que le budget des soins de santé n’est pas réduit, mais que la façon dont il est dépensé doit être ajustée.
« Je comprends l'inquiétude. C'est un grand changement », a-t-il déclaré.
Dans tous les cas, si l'on en juge par le nombre de demandes de permis, il semble que Ford n'aura pas grand-chose à faire pour convaincre.
En date de mercredi, plus de 100 médecins avaient entamé les démarches pour obtenir un permis d'exercice dans les deux provinces. Le collège des médecins du Nouveau-Brunswick a indiqué avoir reçu près de 40 demandes depuis le début du mois d'octobre, tandis que celui de l'Ontario en a reçu 70 au cours des cinq derniers jours.
Dans un courriel adressé à Radio-Canada, le Collège des médecins et chirurgiens du Nouveau-Brunswick a indiqué qu'il reçoit normalement de trois à quatre demandes de permis par mois de la part de médecins québécois, ce qui représente une augmentation significative.

Parallèlement, Vitalité, l’autorité sanitaire du Nouveau-Brunswick qui supervise 11 hôpitaux francophones dans la province, affirme également constater une « vague » de demandes de renseignements de la part de médecins québécois.
France Desrosiers, PDG de Vitalité, a déclaré à l'émission Tout un matin de Radio-Canada qu'au cours du dernier mois seulement, l'organisme avait reçu 100 manifestations d'intérêt de médecins québécois, notamment de la part de ceux qui demandaient quels postes étaient vacants et où, ainsi que des renseignements sur la charge de travail et les conditions de travail.
« C’est nettement plus élevé que ce que nous recevons habituellement, malgré le fait que le Québec soit notre principale cible de recrutement, en dehors de nos étudiants formés au Nouveau-Brunswick », a déclaré Desrosiers, ajoutant que Vitalité reçoit habituellement entre 10 et 20 candidatures par année de médecins de partout au pays.
Derosiers a indiqué que, même s'il existe des possibilités pour les médecins de famille et les spécialistes du Québec, leur nombre reste limité, avec un total de 500 médecins travaillant en français au Nouveau-Brunswick.
« Donc, lorsque nous recrutons, il s'agit d'environ 50 médecins et nous en perdons environ 15 à 20 par an, soit à cause de la retraite, soit parce qu'ils vont travailler ailleurs. »
« Une tragédie pour les patients », déplore la fédération des médecins généralistes du QuébecLe Dr Marc-André Amyot, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) , qui représente les omnipraticiens, a qualifié la situation de « tragédie ».
« Le départ d'un médecin, que ce soit pour la retraite ou pour une autre province, est une tragédie pour les patients », a-t-il déclaré.
« En moyenne, chaque médecin a 1 000 patients. Et imaginez, ces patients ne trouveront pas d’autre médecin de famille. Il y a déjà une pénurie de 2 000 médecins de famille au Québec. »
S'exprimant depuis Québec mercredi, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a déclaré que les médecins et les étudiants devaient prendre du recul.
« Ils ont besoin de plus d'informations avant de prendre leur décision », a-t-il déclaré, ajoutant que la loi n'avait été adoptée que samedi et qu'il y avait encore beaucoup d'éléments à analyser.
Dubé a également rappelé à la FMOQ et à la fédération des médecins spécialistes qu’elles disposent d’un délai de 60 jours après l’adoption de la loi pour « négocier la rémunération ».
« Je pense donc qu'il y aura des avancées dans les prochaines semaines si les fédérations sont autour de la table des négociations », a-t-il déclaré.
Mardi, la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) a annoncé le dépôt d'une plainte mercredi pour contester la loi. Elle demandera également un sursis à exécution, ajoutant que la « violation des libertés individuelles » sera au cœur de sa plaidoirie.
cbc.ca




