« Tu as acheté un tas de rouille !» : Ludovic a restauré une vieille Simca 1000, contre l’avis de sa femme

DANS MON GARAGE - Chaque semaine, des automobilistes présentent au Figaro leurs véhicules d’exception. Aujourd’hui Ludovic, directeur technique antibois de 42 ans, raconte la concrétisation d’un vieux rêve.
À presque 42 ans, Ludovic vient d’achever un projet qui l’habitait depuis l’enfance : la restauration complète d’une Simca 1000. C’est cette petite auto populaire et compacte lancée en 1961, reconnaissable à sa silhouette cubique, première voiture de nombreux Français. À la sortie de l’école, en 1991, quand il a huit ans, son regard croise la fameuse Simca. «Je me souviens de cette voiture blanche, taillée au couteau, avec une forme angulaire arrondie. J’adorais son bruit exceptionnel». Jour après jour, ce mystérieux véhicule entre dans l’imaginaire du petit garçon, avec un détail qu’il n’oublie pas : l’inscription «Rallye 2» à l’arrière. «C’est une vraie voiture de course», lui explique son père. Dès lors, Ludovic dessine la Simca 1000 sur un bout de papier et se fait une promesse : «Un jour j’en aurai une».
L’enfant voue une passion pour l’automobile, un peu comme un héritage familial, ses parents l’emmenant régulièrement à des rallyes... où il y avait d’ailleurs toujours des Simca 1000. Il participe dans sa jeunesse à des compétitions de karting, avant de se tourner à l’adolescence vers la compétition automobile pure. À l’âge adulte, il sera pilote de rallye à bord d’une Citroën C2 R2.
Bref, cette carrière sportive permet à Ludovic de développer ses compétences en restauration automobile. Sa première expérience dans le domaine se fait sur un Super 5 GT Turbo à 28 ans, «retapée et revendue». «Puis j’en ai acheté une deuxième et j’ai fait pareil», détaille-t-il. Ces projets successifs lui permettent non seulement d’affiner sa technique, mais aussi de financer les voitures qu’il achète. C’est ainsi qu’il acquiert sa voiture de rallye (la C2 R2), revendue à son tour en 2018, pour acheter une Super 5, qu’il a toujours en sa possession. Avec, au long de ce parcours, la Simca bien gravée dans son esprit.
En 2020, il rencontre sa compagne actuelle et découvre le village de Touët-sur-Var. Non loin de là, se trouve la station de ski de Valberg dans laquelle il se rend désormais régulièrement. Signe du destin, une Simca 1000, immobile, est garée sur la route. «On passe une fois, deux fois, trois fois, je la voyais à chaque fois», raconte-t-il. «Un jour je m’arrête et crie : “Est-ce qu’il y a quelqu’un ?” Pas de réponse». Mais l’absence du propriétaire ne décourage pas notre passionné. Sa compagne lui conseille de mettre un post-it sur la voiture avec ses coordonnées, ce qu’il réalise sans hésiter une seconde.
Et dans l’après-midi, son téléphone sonne. La conversation s’engage et va sceller le destin de cette Simca. Le vendeur, initialement réticent, se laisse toucher par cette passion authentique. «Bon, je n’étais pas vendeur, mais vu ton histoire, je te la vends», acte l’ancien propriétaire. Une mise en garde accompagne cependant cette acceptation : «Attention, il y a beaucoup de travail», prévient celui-ci. Mais Ludovic balaye les inquiétudes : «Je lui ai répondu que j’étais bricoleur...»
Mars 2022 : un camion plateau emmène la Simca dans le garage de Ludovic. L’état de la voiture est alors catastrophique. «La rouille était perforée : depuis la voiture, je voyais le sol du garage !». Mais loin de se décourager, notre passionné y voit un défi technique. Son projet est alors plus ambitieux : transformer cette version 1005 LS en Rallye 3, la version sportive tant convoitée de son enfance. Cela implique une refonte complète du système de freinage, passant de quatre tambours à quatre disques, un changement de moteur (de 1000 à 1440 cm³), l’adaptation de carburateurs Weber, et surtout un travail de carrosserie méticuleux.
Son meilleur souvenir reste la restauration du plancher et du bas de caisse, «deux parties où je me suis vraiment régalé», confie Ludovic, qui découpe, soude, et reconstruit pièce par pièce cette carrosserie rongée par le temps. Il s’immerge dans l’univers des Simca 1000, rejoint des groupes Facebook spécialisés, écume les bourses d’échange. Non sans méfiance. «Dans le cercle des Simca 1000, il en existe beaucoup de Rallye 3, mais ce sont des “merguez” (des véhicules de mauvaise qualité, NDLR), explique-t-il. Il faut dire qu’il s’agit d’un travail d’orfèvre : il faut trouver les bonnes pièces, adapter les systèmes, et modifier le faisceau électrique pour intégrer les équipements spécifiques comme le lave-glace électrique.
Ce travail de restauration n’était pas gagné, en témoigne l’avis de sa compagne. «Mais qu’est-ce que tu as acheté ? C’est un tas de rouille !», lui avait-elle lancé en 2022. Pour autant, son abnégation - «j’ai travaillé des journées, et des nuits dessus», rappelle-t-il - finit par porter ses fruits. «Il y a deux mois, j’ai mis les roues au sol. Et quand ma compagne est venue voir, elle a reconnu que ce n’était plus la même voiture».
Mai 2025, enfin : la restauration s’achève. La Simca 1000 de Ludovic s’apprête à reprendre la route après les derniers réglages moteurs, le contrôle technique et les formalités administratives. «Ce véhicule, ça va être un véhicule de bon temps, de loisir, le véhicule du dimanche», projette son propriétaire. «Le but, c’est aussi de la garder en collection. Ce n’est pas une vraie Simca 1000 Rallye 3... mais un peu quand même ! »
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