Géré par les chasseurs, ce site est la dernière halte pour les oiseaux migrateurs avant les Pyrénées

Depuis 2022, la Fédération des chasseurs des Pyrénées-Atlantiques a élu domicile à la Saligue aux oiseaux, un site de plus de 26 hectares qui abrite de nombreuses espèces
Le soleil s’est imposé en bousculant les nuages et se mire dans l’eau calme où la jussie prospère. Une petite brise fait frissonner la surface du marais. Imperturbables, des vaches au pâturage avec vue mastiquent l’herbe verte juste broutée sans même plus s’étonner du spectacle de la nature.
129 cigognes – un record – arrivées la veille par temps couvert ont profité d’une fenêtre météo favorable pour franchir le massif montagneux le matin. Rangés en brochettes sur des galets, des hérons gardes-bœufs jouent les lézards. Le cadre est bucolique et propice à la contemplation.
Depuis 2022, la Fédération des chasseurs des Pyrénées-Atlantiques a élu domicile à la Saligue aux oiseaux, entre Castétis et Biron. Contrairement aux apparences, le site n’est pas naturel mais artificiel. Comme le lac d’Orthez, né des besoins en matériaux pour la construction de l’autoroute A 64, le marais a été creusé. Cette fois sur une idée des chasseurs, qui avaient déjà aménagé des îlots en faveur des oiseaux de passage.
Chasseur écocitoyenCe n’était que le premier des nombreux aménagements et travaux de restauration (en majorité financés par l’Agence de l’eau Adour-Garonne, le Conseil départemental et le Conseil régional) qui ont suivi pour sauver le marais d’un atterrissement certain et pour améliorer la capacité d’accueil des oiseaux avant de rouvrir les lieux au public. « Dans ce site, nous sommes à notre place, dans la nature », fait valoir Christian Peboscq, le directeur de la Fédération des chasseurs des Pyrénées-Atlantiques. « Pas seulement comme contemplateurs ou consommateurs mais comme acteurs. »
Fl.M.
« Les missions d’une fédération de chasseurs ont évolué. On ne fait pas que défendre la pratique de la chasse, on défend la biodiversité en général. Nos actions bénéficient à l’ensemble des espèces et ne se concentrent pas seulement sur le gibier chassable. Car le chasseur ne vit pas à l’écart de la société, il est sensible aux grandes causes sociales et sociétales. Il n’est pas que chasseur, mais aussi un écocitoyen qui apprécie de vivre dans un milieu préservé. »
Vu du ciel, une mareLa FDC64 est gestionnaire de ce site à espèces remarquables qui « vit, évolue et demande à être entretenu », souligne le directeur. « S’il ne l’était pas, il serait amené à se refermer et à s’embroussailler. Résultat : on perdrait des habitats et les espèces inféodées aux milieux humides, qu’ils soient oiseaux, amphibiens ou poissons. »
Coincée au sud par l’autoroute, au nord par la voie ferrée et à l’ouest par Orthez et son lac, la Saligue aux oiseaux, n’est qu’une mare, « une pastille » vue du ciel. « Mais c’est surtout la dernière zone humide importante avant les Pyrénées, la dernière halte de la migration, un peu comme une étape de repos du Tour de France », détaille Christian Peboscq.
Fl.M.
« Les oiseaux se posent, mangent, se reposent quelques jours ou quelques heures et repartent quand ils ont repris des forces. Certains y passent même l’hiver. Le printemps offre le même défilé de plumes en sens inverse. Le marais agit comme un aimant, car nous sommes dans l’entonnoir migratoire. »
Pour qui sait attendre un peu, il y a du passage tous les jours. Visible toute l’année car le site est ouvert au public, qui se régale les yeux dans l’observatoire avec une vue imprenable sur le marais et bientôt grâce à un espace muséographique.

« Pour nous, cela fait sens d’accueillir du public », résume le directeur de la FDC64. Un animateur nature a été recruté pour accompagner les scolaires. Ils sont 900 depuis le mois de janvier à avoir eu l’occasion de visiter la Saligue. « Nous voulons sensibiliser le public à la nécessité de protéger les zones humides, des lieux fragiles en forte régression. »
Vitrine de ce qui peut se faire pour restaurer et entretenir un milieu humide (gravière, prairie humide, haie bocagère, verger conservatoire), la Saligue aux oiseaux est aussi « un jardin extraordinaire » pour de nombreux élèves en lycées agricoles, qui trouvent ici un lieu de travaux pratiques.
Des projets d’extension existent. Mais l’urgence est ailleurs. Le marais, en ces endroits peu profonds, est menacé par la jussie, « véritable cancer des zones humides », « la terreur des plans d’eau ». Introduite pour l’agrément dans des bassins d’eau, la jolie fleur jaune s’est « échappée ». Cette plante invasive produit énormément de matière végétale avec un fort pouvoir tapissant, ce qui a pour effet d’étouffer la végétation. Des opérations d’arrachage sont en cours. « Mais rien n’est jamais acquis », conclut le directeur.
> Cet article est issu du supplément de la rédaction « Ouverture de la chasse: une passion grandeur nature » paru dans les éditions de « Sud Ouest » des 12 et 13 septembre 2025 et à retrouver sur le kiosque sur sudouest.fr
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