Ces écoles anglaises qui mettent les mains dans l’IA

En Angleterre, plusieurs établissements scolaires utilisent déjà l’intelligence artificielle afin, notamment, d’inciter les élèves à participer davantage. Témoignages d’enseignants pour qui l’IA est un outil pédagogique.
Charles Darwin qui discute de l’évolution avec des étudiants, des élèves de primaire qui voient leur rédaction se muer en images, la ville de Luton transformée en voiture : l’IA envahit les écoles anglaises de manière parfois surprenante. Si en janvier Bridget Phillipson, ministre de l’Éducation [du Parti travailliste britannique], a appelé de ses vœux une “révolution numérique” avec l’introduction de l’IA dans les écoles, certains établissements, comme la primaire de Willowdown, à Bridgewater, dans le Somerset [dans le sud-ouest du pays], ont déjà commencé.
Matt Cave, directeur de l’école, explique que ses élèves écrivent de meilleures rédactions en les soumettant à une IA pour qu’elle génère des images. “D’un coup, ils ont plein d’images générées sur la base de leurs descriptions, et ils peuvent ensuite en discuter entre eux et voir si c’était là l’image qu’ils espéraient faire naître dans la tête des lecteurs, raconte-t-il. Ce public d’un nouveau genre a stimulé de nouvelles réflexions chez eux.” Il assure :
“Je ne voudrais pas laisser croire que nous ne sommes pas conscients des risques, nous les rappelons en permanence aux enfants. Mais ils vont avoir besoin de ce genre d’outils toute leur vie.”
Marina Wyatt est responsable des matières scientifiques au niveau collège à l’école Furze Platt de Maidenhead [à l’ouest de Londres]. L’IA, aux seules mains des enseignants, leur a permis de piquer la curiosité des élèves, grâce notamment à un Charles Darwin virtuel.
“Les professeurs nourrissent la machine avec des prompts avant le début de la classe, pour qu’elle réponde comme Charles Darwin, par exemple, et qu’elle reste dans son rôle. Et ça marche, elle a produit des choses géniales. Des enfants qui d’habitude ne participaient pas pour une raison ou pour une autre étaient maintenant captivés, et ils n’ont pas cessé de poser des questions”, témoigne-t-elle.
L’enseignante a néanmoins trié les réponses de ce GPT-Darwin avant de les diffuser à la classe, afin d’éviter les inexactitudes et les réponses biaisées. Elle rappelle que les élèves n’ont pas le droit d’accéder directement à la machine, le temps que l’école arrête un règlement autour de son utilisation, notamment en ce qui concerne les autorisations parentales et la protection des données.
Les élèves de 6e du collège et lycée de Denbigh, à Luton [entre Oxford et Cambridge, au nord de Londres], reçoivent des cours hebdomadaires sur l’utilisation de l’IA et ses dangers, explique Emma Darcy, responsable des technologies d’apprentissage. Elle se souvient :
“Après l’arrivée explosive de ChatGPT il y a deux ans, nous ne voulions pas attendre la publication de recommandations officielles. Il fallait tout de suite entamer un dialogue avec les élèves et le personnel éducatif.”
“Un groupe d’élèves se retrouve chaque mois pour discuter de l’IA, précise-t-elle. Nous pensions en effet qu’il était important de donner la parole aux jeunes, parce qu’ils utilisent la technologie mais n’ont pas souvent voix au chapitre quant à son déploiement dans l’école.”
L’établissement autorise l’utilisation contrôlée de cette technologie, comme avec le logiciel de design graphique Canva. “Nous avons réuni toute l’école autour d’un projet qui visait à montrer Luton sous un bon jour. Les élèves ont dû utiliser Canva pour générer l’image d’une voiture qui représentait la ville et ses habitants”, relate Emma Darcy.
“Mais le vrai but pédagogique, c’était d’améliorer leurs compétences de compréhension et d’expression, de leur montrer à quoi ressemble un bon prompt et de leur apprendre à générer une image, précise la responsable pédagogique. Ce qu’on ne fait pas, c’est envoyer les enfants directement au contact des grands modèles de langage : il faut toujours travailler avec un but pédagogique clair en tête.”
Courrier International