« C’est comme si on privatisait le discours historique mémoriel » : le gouvernement publie – puis supprime – une vidéo sur la Résistance générée par IA et truffée d’erreurs

Encore un exemple, s’il en fallait, que l’intelligence artificielle (IA) peut poser de nombreux problèmes entre de mauvaises mains. Mardi 27 mai, à l’occasion de la journée mondiale de la Résistance, le service d’information du gouvernement (SIG) publie sur les réseaux sociaux une vidéo intitulée « POV : tu es une femme résistante pendant la 2de Guerre mondiale ». L’objectif, présenter le POV («point of view », point de vue en français) du quotidien d’une résistante, surveillant sa rue par la fenêtre, distribuant des tracs dans les boîtes aux lettres, se faisant arrêter par des soldats et célébrant la Libération. Problème : les 27 secondes de vidéo sont exclusivement générées par IA.

D’abord, elle comporte une grossière erreur : la scène de liesse dans Paris montre, à côté de cette résistante fictive, un soldat de la Wehrmacht, l’armée allemande, tout sourire, célébrant la Libération aux côtés des Alliés. Le site 01net.com révèle une autre erreur : « On aperçoit aussi à une fenêtre un drapeau japonais. Qui à l’époque, était toujours en guerre dans le Pacifique, et pas du bon côté de l’Histoire ». Dans la première scène, la résistante marche dans une rue sombre, un brassard tricolore au bras. « C’est quelque chose qu’on pouvait porter à la Libération, mais pas dans la rue sous l’Occupation », corrige également auprès de Libération l’historien spécialiste de la Résistance Fabrice Grenard.

« Encore un cas d’emploi des IA qui entraîne du n’importe quoi historique », réagit sur Bluesky l’historien William Blanc. « Il y a une forme de fainéantise quand même : on confie un discours historique à une machine, s’agace ce spécialiste de l’époque médiévale sur France Inter. C’est comme si on privatisait le discours historique mémoriel par rapport à la Seconde Guerre mondiale alors qu’il y a suffisamment d’images d’archives pour illustrer une vidéo comme ça. »

Si la vidéo a rapidement été supprimée, les équipes de communication du gouvernement ont prévu de la republier, une fois « vérifiée par des historiens de la Fondation de la Résistance ». « Les équipes ont au quotidien l’enjeu d’adapter les contenus et les formes de narration aux nouveaux usages des audiences, notamment sur les réseaux sociaux », commente Michaël Nathan, directeur du SIG, auprès du Monde.