"Pris dans la toile" de Sébastien Broca, aux éditions du Seuil

Cette semaine, retour sur l'évolution des Gafam, héritiers de la contre-culture américaine et proches aujourd'hui de Donald Trump.
/2023/07/07/64a7df4c5fe71_placeholder-36b69ec8.png)
De l’utopie d’Internet au capitalisme numérique, c’est le sous-titre de ce livre, qu’on pourrait résumer par une question : comment en est-on arrivé là ?
Que s’est-il passé dans la Silicon Valley entre les débuts d’Internet, il y a une trentaine d’années, avec des jeunes gens assoiffés de liberté dans l’esprit de la contre-culture californienne, et aujourd’hui, où les géants multimilliardaires du numérique prêtent allégeance à Donald Trump et sont suspectés de surveiller les internautes du monde entier ?
C’est donc cette question que s’est posée Sébastien Broca, enseignant-chercheur en sciences de l’information et de la communication.
La réponse qu’il apporte met en lumière une extraordinaire capacité de ce qu’on appelle les Gafam, donc Google, Amazon, Meta, Apple et Microsoft : ces entreprises savent parfaitement s’engouffrer dans des brèches ouvertes par d’autres.
Les Gafam ont notamment profité des combats menés par un personnage étonnant aujourd’hui disparu, John Perry Barlow, riche héritier d’un ranch du Wyoming, parolier du groupe de rock Grateful Dead, auteur en 1996 d’une Déclaration d’indépendance du cyberespace et fondateur d’une ONG dédiée à la défense absolue de la liberté d’expression en ligne.
Son ennemi, ce n’était pas les entreprises, c’était l’État. Il a tout fait pour que l’Etat ne puisse pas intervenir sur Interne. Et il a réussi, puisqu’il a obtenu dans les années 1990 le cadre juridique qui existe encore aujourd’hui et qui permet aux entreprises du numérique de faire elles-mêmes la police.
Mais c’est aussi ce qui a permis aux Gafam de mettre en place leur propre pouvoir, tout en se revendiquant de l’utopie des débuts.
Autre utopie héritée de la contre-culture américaine : la technologie était vue comme un moyen d’épargner les écosystèmes.
C’est ce que disaient certains entrepreneurs et éditorialistes très influents dans les années 1990 : Internet permettrait de dépasser les limites de la matière, ce serait une ressource inépuisable dont on pourrait bénéficier sans priver personne.
Un discours très rapidement relayé par les pouvoirs publics et dont se sont emparés les géants du numérique pour suggérer l’immatérialité de leur activité, comme une rupture avec l’ère industrielle. Or leurs besoins énergétiques sont colossaux, que ce soit pour concevoir leurs appareils ou pour faire tourner leurs data centers.
Une façon d’avancer masqués qui explique peut-être un malentendu quant aux intentions de ces géants, longtemps identifiés comme progressistes et qui apparaissent aujourd’hui plus intéressés par le pouvoir que par le progrès.
Francetvinfo