«C’est magique» : dans le Nord, le dernier Macumba de France s’offre une ultime danse avant sa fermeture
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Les amoureux du « dancefloor » sont venus faire leurs adieux à leur discothèque favorite, à Englos, ce dimanche 23 février. Durant toute une nuit, ils ont célébré avec les chansons de Jean-Pierre Mader et de Claude François la fin de 60 années d’histoire.
« Une grande famille », « un joyau », « toute ma vie » . Soixante ans d'histoire se sont achevés dans la nuit de dimanche à lundi avec la fermeture du dernier Macumba de France, près de Lille, célébré une ultime fois par des centaines d'amoureux de cette discothèque. Le Macumba d'Englos (Nord), « c'est toute ma vie, la danse, les amis », et sa fermeture est « un déchirement », souffle Dany Cornu, blonde pétillante de 67 ans vêtue d'une éblouissante robe à facettes bleues.
Entrée dès l'ouverture à 15 h 00, cette fidèle parmi les fidèles, 25 ans d'ancienneté sur la piste de danse, ne se voit pas partir avant 03 h 00 du matin. « Si je ne tombe pas avant ! », sourit-elle, heureuse de voir cet endroit qu'elle chérit s'animer une dernière fois. Elle n'était qu'une enfant quand a été créé le premier Macumba, en 1966 à Montpellier, et n'était pas encore majeure à l'inauguration de celui d'Englos, en périphérie de Lille, en 1975. Cet établissement ferme pour permettre au fondateur octogénaire, Henri Souque, de prendre sa retraite. « C'est l'heure de laisser la place aux autres (...) 84 ans, c'est une excuse, non ? », lance-t-il tout de noir vêtu, arpentant la salle qui sera vendue à des promoteurs.
Il y a eu jusqu'à 23 Macumba en France, mais aussi en Espagne et même une sous franchise à Cuba. « Oh Macumba, Macumba, elle danse tous les soirs », chantait en 1985 Jean-Pierre Mader dans un tube qui a popularisé le nom de cette chaîne de discothèques. Pour cette dernière danse, des centaines d'acharnés tentent de lui donner raison sur une playlist éclectique, de Claude François à Dua Lipa, en passant par Aretha Franklin.
Jean-Pierre Mader - Macumba (1985)
La salle semble comble, proche de sa capacité maximale d'accueil de 1400 personnes. À mesure que l'heure avance, l'ambiance monte, la moiteur aussi. Sur la piste, les chemises collent aux corps, la population rajeunit à vue d'œil. Les « seniors », qui ont profité d'une ambiance dédiée de 15 h 00 à 21 h 00, se mettent en retrait. Allongées sur un canapé, les yeux dans le vague, deux femmes d'une soixantaine d'années reposent leurs pieds, posés sur des chaises en plastique.
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Un papy fait de la résistance. Dans sa chemise mauve impeccablement repassée, Joseph Pietraskiewiecz, 78 ans, se déhanche comme un jeune homme. « Eh, ça devrait être remboursé par la sécurité sociale ! », plaisante le retraité, qui assure devoir à ses 20 ans de Macumba son « endurance terrible ». À seulement quelques mètres de lui, trois générations de femmes en robes noires montent sur une table haute et se mettent à danser sur Flowers, de Miley Cyrus. Faisant preuve d'une grande discipline, les centaines de fêtards massés sur la piste entonnent presque d'une seule voix Voyages, voyages quand le DJ coupe juste avant ces mots le son du morceau de Desireless.
La fermeture du Macumba est un symbole de la fin d'une époque, celle des vastes discothèques qui ont connu leur heure de gloire dans les années 1980 - la France comptait alors 4000 boîtes de nuit selon la Sacem, contre environ 1500 actuellement. Venue pour la première fois en novembre, Céline, 30 ans, a découvert un lieu « génial », « magique » : « C'est la famille, le Macumba. C'est une grande famille », dit-elle, craignant comme sa meilleure amie Axelle, à ses côtés, de laisser couler quelques larmes.
« La famille, les amis, on ne se connaît pas, tout le monde se regroupe, on discute, on s’aime, on danse »
Manu, habitué du Macumba
Manu, 52 ans, chemise blanche cintrée déboutonnée sur le haut et chaîne dorée autour du cou, va encore plus loin. Cette dernière soirée, « c'est comme un mariage. La famille, les amis, on ne se connaît pas, tout le monde se regroupe, on discute, on s'aime, on danse ». Il jette un regard nostalgique vers la scène, sur laquelle les deux DJ résidents, pour leur dernière soirée aux platines du Macumba, s'étreignent brièvement. « On vit cette soirée-là jusqu'au bout », lance-t-il, avant de s'arrêter au bord de la piste de danse, sur laquelle la blonde Dany guinche encore.
lefigaro