Attentat de la basilique de Nice : la réclusion criminelle à perpétuité requise contre le terroriste
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COMPTE RENDU D’AUDIENCE - Le ministère public a souligné «l’insoutenable cruauté» de Brahim Aouissaoui et sa «volonté déterminée à frapper la France» qu’il a qualifiée de «terre des mécréants».
Debout dans la cour d’assises spéciale de Paris, les deux avocates générales du Parquet national antiterroriste (Pnat) ont démontré pendant plus de deux heures «la détermination sans faille de Brahim Aouissaoui à frapper la France» le 29 octobre 2020 dans la basilique de Nice. Pour sanctionner «l’insoutenable cruauté» de ce Tunisien de 25 ans jugé pour assassinats et tentatives d’assassinats en lien avec une entreprise terroriste, le ministère public a requis la peine maximale : la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une période de sûreté incompressible, soit la perpétuité réelle.
Au cours de l’audience, les experts psychiatres appelés à témoigner avaient exposé le risque de récidive «extrêmement élevé et la dangerosité» du terroriste dont «le fanatisme destructeur est resté intact quatre ans et demi après les faits», a-t-il été rappelé dans ce réquisitoire à deux voix. «Nous avons pu voir la noirceur et la haine dans les yeux de Brahim Aouissaoui. Il s’est enfermé dans une matrice mortifère, aveuglé par l’obscurantisme et par la haine de l’Occident considéré comme l’ennemi de l’islam et qualifié de mécréant par les groupes terroristes», a plaidé l’une des magistrates dans sa robe noire.
Son entrée clandestine dans l’Hexagone, le 27 octobre 2020, s’inscrit dans le «contexte explosif de la republication des caricatures de Mahomet par l’hebdomadaire Charlie Hebdo» et l’assassinat de Samuel Paty treize jours plus tôt, a rappelé l’avocate générale, soulignant ainsi le mobile du passage à l’acte. «Cette détestation de la France de Brahim Aouissaoui depuis la republication des caricatures se matérialise par une haine viscérale qu’il nourrit en regardant les prêches de prédicateurs. Cette haine est le moteur de son action.» «Ce n’est pas du terrorisme», n’a pu s’empêcher de commenter Brahim Aouissaoui, interrompant ainsi le réquisitoire avant d’être réprimandé par le président de la cour.
Lundi, après plus de deux semaines de procès, le jeune homme très amaigri a reconnu pour la première fois avoir assassiné avec un couteau de cuisine la paroissienne Nadine Devillers, 60 ans, le sacristain Vincent Loquès, 54 ans, et la mère de famille Simone Barreto Silva, 44 ans. Entre 60 et 70 coups de couteau leur ont été assénés en une dizaine de minutes au sein de la basilique Notre-Dame. Mais quand la cour lui a demandé des détails sur son acte, l’accusé s’est réfugié vers un sempiternel : «Je ne me souviens pas».
Il s’est en revanche largement épanché sur les raisons de son geste. «Tous les jours, vous tuez des musulmans et cela vous est égal (…) L’Occident tue aveuglément» des musulmans «innocents», «se venger» est «un droit et une vérité», a-t-il déclamé en arabe. Certes, a-t-il concédé, ses victimes étaient également des «innocents» mais les tuer en les décapitant ou en les égorgeant était «un droit». «Je ne suis pas un terroriste, je suis un musulman», a-t-il soutenu tout en admettant que décapiter Nadine Devillers c’était «pour faire peur aux gens». Et le président de remarquer : «Faire peur, répandre la terreur, c’est exactement ça le terrorisme.» «Il ne reconnaît pas les faits, il les revendique. Cela révèle à quel point il est encore habité par cette idéologie radicale», a tancé le ministère public.
L’assaillant s’est toutefois entêté à nier la préparation d’un projet d’attentat terroriste. «Pourquoi être venu en France que vous appelez pays des mécréants et des chiens ?», a tenté le président Petiteau. «Je ne me souviens pas de ça (…) Je vous ai dit pourquoi j’ai commis ces faits mais je ne me souviens pas comment j’ai fait.» Et le choix de tuer des fidèles au sein d’une église ? «Un hasard», a-t-il prétendu. «Il a choisi cette basilique et y a agi avec une profonde détermination. Il a commis au sein de ce lieu de culte des crimes d’une barbarie inouïe avec des innocents qui n’avaient aucune chance de s’en sortir», a contré l’une des avocates générale ce mercredi.
Deux jours plus tôt, alors que Me Martin Méchin, l’avocat de Brahim Aouissaoui, lui faisait remarquer que «les gens autour de [lui] ont peur de [lui]», le jeune homme à la barbe fournie propre aux salafistes a lâché, cinglant : «Ils ont bien raison de prendre des précautions.»
lefigaro