À l’ONU, les États-Unis votent avec la Russie, refusant de soutenir l’Ukraine
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La résolution «demande instamment qu’il soit mis fin au conflit dans les plus brefs délais et plaide pour une paix durable», sans référence à l’intégrité territoriale du pays. Les pays de l’UE se sont abstenus.
Trois ans après l’invasion russe, les États-Unis de Donald Trump se sont alliés lundi 23 février à la Russie lors de votes sans précédent à l’ONU sur le conflit ukrainien, poussant leur idée d’une paix rapide sans condamnation de Moscou, ni défense des frontières de l’Ukraine. Alors que l’administration de Joe Biden avait toujours soutenu Kiev, les votes américains à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité mettent en lumière le changement radical de la politique américaine avec l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche. Washington a salué un «accord historique» par la voix de son ambassadrice à l’Onu.
Lundi matin, une première résolution préparée par l’Ukraine et ses alliés européens a été adoptée à l’Assemblée par 93 voix pour, 18 contre, et 65 abstentions, sur 193 États membres. Un succès pour ses partisans, même si l’Ukraine a perdu de nombreux soutiens, dont celui des États-Unis de Donald Trump qui ont voté contre, aux côtés du Bélarus, du Mali, du Nicaragua, de la Corée du Nord, ou de la Hongrie, mais aussi de la Russie, dont l’ambassadeur Vassili Nebenzia a dénoncé «un morceau de papier antirusse». La résolution reconnaît qu’il est «urgent» de mettre fin à la guerre «cette année», et répète sans équivoque les précédentes demandes de l’Assemblée: retrait immédiat des troupes russes du territoire ukrainien et arrêt des hostilités menées par la Russie.
Défiant Kiev et ses alliés européens, les États-Unis ont de leur côté soumis à l’Assemblée une résolution concurrente réclamant la fin rapide du conflit sans référence à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, au moment où Donald Trump a entamé un rapprochement avec le Kremlin et multiplié les invectives contre son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, désormais sous pression. Le très court texte qui demandait «instamment qu’il soit mis fin au conflit dans les plus brefs délais et plaide pour une paix durable» n’a pas été mis aux voix tel quel.
Il a en effet été largement modifié par plusieurs amendements de pays européens pointant clairement du doigt la Russie pour ce conflit, affirmant son attachement à l’intégrité territoriale de l’Ukraine et réclamant une «paix juste». Le texte modifié a été adopté par 93 voix pour, 8 contre et 73 abstentions. Les représentants d’une trentaine d’alliés de l’Ukraine ont salué «le message fort» de l’Assemblée, dans une déclaration lue par Mariana Betsa. «Toute paix qui risque de récompenser l’agression augmente le risque que n’importe quel pays dans le monde subisse une agression similaire», ont-ils insisté, évoquant la menace d’un «précédent».
Mais le texte américain original a ensuite été soumis au Conseil de sécurité, où les États-Unis ont cette fois enregistré une victoire. «Cette résolution représente un chemin vers la paix», «ce n’est pas un accord de paix qui coûte quoi que ce soit», a justifié l’ambassadrice américaine par intérim Dorothy Shea, dénonçant les «rivalités rhétoriques à New York» qui ne «sauvent pas de vies sur le champ de bataille».
Après le rejet de tous les amendements proposés par les quatre membres de l’UE (France, Slovénie, Grèce, Danemark) et le Royaume-Uni, la résolution a été adoptée par 10 voix pour, et aucune contre. Les cinq mêmes pays européens se sont abstenus, y compris la France et le Royaume-Uni, qui auraient pu choisir de bloquer l’adoption en utilisant leur veto pour la première fois depuis 1989. «Cette guerre est illégale, une violation claire de la Charte de l’ONU et une menace pour les principes fondateurs de l’ONU. Personne ne veut la paix plus que l’Ukraine, mais les termes de cette paix ont leur importance», a commenté l’ambassadrice britannique Barbara Woodward, tandis que son homologue français Nicolas de Rivière insistait pour «une paix qui ne peut en aucun cas être synonyme de capitulation de l’agressé».
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