Stade Rochelais : Matthias Haddad-Victor, ancien ramasseur de balles à la Rabine, a bien grandi

C’est à Vannes, qu’il affrontera ce samedi (16 h 30), que le Rochelais, ancien ouvreur en Charente-Maritime et en Bretagne, a découvert son poste actuel. Une évolution qui correspond au caractère ouvert du jeune homme de 24 ans
« J’aimerais vraiment jouer à la Rabine, ça me rappellerait quand j’y étais ramasseur de balles. » Lorsque Matthias Haddad-Victor, jusque-là épargné par les commotions, est sorti sonné à Bordeaux, le 26 avril 2025, on a bien cru que le sémillant 3e ligne rochelais ne pourrait réaliser son souhait du 6 septembre et retrouver Vannes ce samedi. Les examens ayant été rassurants, le champion du monde U20 2019 sera bien du voyage dans le Morbihan, département qui lui tient à cœur.
Car si « MHV », 24 printemps, est né à La Rochelle en 2001, y a commencé le rugby à 6 ans et s’y est révélé après y être revenu en cadets, il a aussi vécu près d’un tiers de sa vie en Bretagne. Après Muzillac pendant quatre saisons, c’est à Vannes, de 2013 à 2016, que sa carrière a pris un tournant décisif. Au RCV, Goulven Le Garrec, son entraîneur d’alors aujourd’hui membre du staff pro, a soumis l’idée au jeune n°10 de passer 3e ligne.
« Généreux »« Je le connais particulièrement bien, indique celui qui n’est autre que le père du futur Rochelais Nolann Le Garrec. Je l’ai entraîné à partir de 12 ou 13 ans. Il avait déjà ce gabarit et ses qualités mais manquait un petit peu de changement de rythme. Naturellement, je lui ai conseillé, après s’être beaucoup amusé derrière, de changer vers l’âge de 14 ou 15 ans, pour exprimer toutes ses qualités de plaqueur, sa taille, sa capacité à être un 3e ligne de soutien de haut niveau. Il était costaud, il attaquait la ligne, souvent dans l’avancée. »
« On ne le voit pas assez je trouve, mais c’est un magnifique attaquant »
Son titre mondial et sa finale de Coupe d’Europe face au Leinster, en 2022, l’ont conforté : « Je lui avais donné un de mes shorts de l’équipe moins de 20 ans et j’étais convaincu qu’il en aurait d’autres, raconte le technicien breton. Je savais qu’il y aurait certainement un peu de travail sur la touche, les sauts, le gainage, etc. Mais il répétait déjà beaucoup d’efforts, généreux sur le terrain – ça se retrouve dans les plaquages qu’il multiplie – comme il l’est dans la vie. Il est toujours positif, je n’ai pas le souvenir que ça lui ait posé beaucoup de problèmes. C’est un gamin adaptable, positif, serviable en général. »
« Il a une vraie intelligence au contact, une capacité à rebondir, à pivoter, à sortir du frontal qu’il a construit par son passé d’ouvreur, mais aussi par son physique (1,92 m, 99 kg, NDLR), abonde Antoine Praud, son éducateur à l’académie rochelaise à son retour au club, en 2016. Il a un profil un peu atypique, très grand, très ‘’équipé’’. On ne le voit pas assez je trouve, malheureusement, mais c’est un magnifique attaquant. Le rugby actuel fait que c’est plus compliqué pour lui de l’exprimer mais c’est un joueur d’espaces, de désordre. »
Entre Liebenberg et GourdonAu point que « parfois, ça partait un peu dans tous les sens, il nous a fait perdre une demi-finale Taddeï sur un jeu au pied improbable, sourit le responsable sportif du centre de formation. On l’acceptait : il avait tellement d’énergie… on ne peut pas exiger que tout soit carré entre 16 et 18 ans ; on préfère quand les joueurs proposent plus que pas assez. » Et si sa technique et sa capacité à jouer les anguilles dans les défenses le rapprochent de Kevin Gourdon, ce dernier voit une autre analogie : « Il fait sa meilleure saison en termes de matchs joués (22, NDLR) et ça me ravit car il donne toujours le meilleur de lui-même, un peu à la Wiaan Liebenberg (3e ligne rochelais de 2018 à 2022, NDLR). Ça, ça compte dans une équipe. »
« Il est venu manger à la maison récemment, il a joué de la guitare et moi de la trompette. C’est aussi un artiste »
Autant que son caractère en dehors du terrain. Or, comme le Sud-Africain et l’ancien international français, Matthias Haddad-Victor est du genre très ouvert. « Tu peux discuter de tout avec lui, avec des vrais arguments, abonde Gourdon. Il est curieux, avec des centres d’intérêt relativement proches des miens, il n’est pas formaté rugby du soir au matin. Mon rêve ultime, c’est d’apprendre le piano mais avant, j’avais une guitare et Matthias joue très bien de la guitare. » « Il est venu manger à la maison récemment, il a joué de la guitare et moi de la trompette. C’est aussi un artiste », souligne Goulven Le Garrec.
« Très fidèle » et « authentique »« Il s’était mis au théâtre, il est beaucoup dans la découverte, pas trop fixé sur une norme, ajoute Antoine Praud. Il a même plutôt toujours voulu casser les codes. » Et partager ses émotions et celles des autres, aussi attachant qu’attaché à ses partenaires : « C’est un gamin assez particulier par rapport à ça, avec une forme d’empathie qui le perd un peu, parfois, car c’est un milieu qui ne l’autorise pas complètement. Mais c’est un fédérateur : en dernière année à l’académie, il a très bien intégré la génération 2003, celle d’Oscar (Jegou). Il très fidèle, authentique. Il a conscience de chaque personne et chaque étape qui l’ont fait grandir. Il aime bien se souvenir d’où il vient. »
D’où l’importance pour lui de jouer ce match en Bretagne, à la Rabine, avant d’accueillir Nolann Le Garrec cet été chez ses Jaune et Noir. « Ils ont une amitié très forte, c’est une forme de logique qu’ils se retrouvent. Matthias a souvent été protecteur, il va continuer à l’être. Il va devoir l’être, en tout cas », rigole le papa du demi de mêlée international, 17 cm plus petit que son ancien ouvreur à Vannes.
SudOuest