Sedjati, Wanyonyi et Tual ont amené le 800m dans un nouveau monde

Comme avant toute bande-annonce, il faut mettre en garde le public avec un rappel important. Comparer les chronos avec le passé n'est plus un exercice très pertinent en athlétisme avec l'apparition des chaussures et pointes de nouvelle génération (en masse depuis 2020). Et quand tombera le record du monde de David Rudisha (1'40''91 en finale des JO de Londres 2012), il y aura évidemment l'effet « waouh », mais il faudra bien penser que les claquettes au pied du Kényan n'avaient rien à voir avec les bolides pleins de technologie d'aujourd'hui. Une fois cela évacué, on peut tout de même constater que le 800 m n'est plus ce qu'il était.
Dans la discipline, le 7 juillet 2024 - jour du meeting de Paris - est une date clé. Ce jour-là, dans des conditions chaudes qui devraient ressembler à celles de vendredi soir, Djamel Sedjati, Emmanuel Wanyonyi, et Gabriel Tual sont entrés dans un nouveau monde, pour eux. L'Algérien venait d'atterrir à moins de 7 dixièmes du record du monde en 1'41''56, suivi de près par le Kényan, futur champion olympique (1'41''58) et Tual, nouveau recordman de France (1'41''61). Trois bonshommes et quelques autres qui, en une course, venaient de se dire que ce que Rudisha semblait avoir laissé hors de portée du simple mortel n'était finalement pas si inaccessible, bien aidés, évidemment, par les fameuses super shoes mais aussi le bicarbonate (complément alimentaire pour retarder la montée d'acide lactique) et la wavelight, des atouts que le Kényan n'avait pas dans son jeu.
« On a l'impression que cette course a tout changé, lance Jean-Pierre Watelle, le responsable du plateau parisien. Ce n'était pas la première fois qu'on voyait des temps de passage rapides (moins de 50'' au 400 m), mais c'est évident qu'à partir de ce moment-là, beaucoup de coureurs se sont dit qu'ils pouvaient le faire (le record du monde). Et ç'a permis de faire émerger un champion français comme Gabriel Tual. »
« Je pense que le record va tomber cette année, et c'est très excitant de faire partie de ça »
Depuis, le champion d'Europe est effectivement dans une autre sphère, et ses deux courses de rentrée à Oslo (1'43''09), puis à Stockholm (1'42''78), ont déjà prouvé que les standards de performances avaient été déplacés et qu'il suivait le mouvement. « La course de l'an dernier a rebattu toutes les cartes, prolonge le Français. Cette densité fait que, si tu veux gagner, tu es obligé de vraiment travailler. Quand tu as de la concurrence dans le dernier 100 m sur ces allures-là, eh bien, ça fait 1'41. Les années d'avant, il n'y avait pas autant de leaders pour suivre. »
Bruno Gajer, entraîneur de Pierre-Ambroise Bosse au moment de son record de France (1'42''53 en 2014), prolonge : « Tout le monde est décomplexé. Wanyonyi y est pour beaucoup. Il n'a pas peur de perdre en partant devant comme le faisait Rudisha. Il n'y avait plus de patron, et là, lui, il part, et ça booste tout le monde. Et on peut ajouter que les gars sont physiquement plus développés qu'avant. Ça me saute aux yeux. Wanyonyi, et quelques autres, dans le dernier 400 m, on dirait des sprinteurs qui se lancent sur un seul tour de piste. »
Autant d'éléments qui annoncent un record très prochainement. « Quand on voit Wanyonyi qui fait déjà 1'41 (1'41''95 dimanche) à Stockholm, comme ça... lâche Tual. L'année dernière, on n'était déjà pas loin du record du monde (Wanyonyi a couru en 1'41''11). Je pense que ça va tomber cette année, et c'est très excitant de faire partie de ça, car tu te dis que ça peut être ton tour aussi. » Le 800 m, il a changé.
L'Équipe