Le bob « Allez Bayonne », objet fétiche des supporters de l’Aviron Bayonnais

C’est un accessoire culte des amoureux de l’Aviron Bayonnais, surtout ceux qui ont connu les belles années 1980 : le bob « Allez Bayonne » est porté avec tendresse, comme un témoin d’une époque plus douce
L’heure est grave, ils vont sortir le bob. « La sainte relique », sourit Mathieu Bergé. Le bob « Allez Bayonne » de la finale 1982, perdue au Parc des Princes face à Agen. Objet culte pour plusieurs générations en âge de connaître cette histoire. L’élu, éducateur et supporter de l’Aviron Bayonnais l’avait glissé dans la poche arrière du jean, vendredi 13 juin, lors du barrage victorieux contre Clermont (3-20) à Jean-Dauger. « C’est le bob des grands jours. »

Dominique Ochin, lui, donne même de la majuscule, lorsqu’il poste sur les réseaux sociaux une photo de son « Bob ». « Il est prêt », écrit le tout frais coprésident des Socios de l’Aviron Bayonnais. « Mercredi, c’était la grosse panique, je ne le retrouvais plus. Mais c’est bon, j’ai remis la main dessus. Il est posé sur ma valise. » Bien en ordre pour processionner vers Lyon et la demi-finale de son club contre Toulouse, vendredi (21 h). Dominique Ochin a « posé quinze jours », prêt à « monter à Paris » pour la finale du Top 14.
« Le bob nous renvoie à l’Aviron qui disputait les phases finales du championnat, quand on jouait les premiers rôles »
Car Bayonne y sera, selon ses calculs. « En 82, à Narbonne, la demi-finale contre Grenoble : j’avais le bob. Et on a gagné. » Il énumère ces matchs décisifs où son Aviron s’est imposé. Point commun ? Dominique Ochin portait le couvre-chef de toute évidence magique. « La seule fois où je ne l’ai pas porté en phase finale, c’est la finale 1982 ! Grave erreur. »
EnvahissementGilles Bordachar décrit « un objet important », « fétiche pour les anciens ». Le supporter de toujours parle même de « l’époque du bob ». C’est bien là le plus grand pouvoir du bout de tissu : faire remonter le temps à celui qui le porte. « Il nous renvoie à l’Aviron qui disputait les phases finales du championnat, quand on jouait les premiers rôles. Là, on retouche à ça. » Gilles Bordachar a aimé l’envahissement du terrain par le public, à l’issue du barrage. « C’est un truc qui m’a fait plaisir. Un truc joyeux qui était courant avant et est interdit aujourd’hui. » Un truc de « l’époque du bob ».

Bertrand Lapègue / SO
Patrice Arnaud souscrit à cette idée. « Il y avait moins de contraintes, les obligations de sécurité n’étaient pas ce qu’elles sont, les joueurs étaient à notre portée. » « Pour beaucoup, ce sont nos souvenirs de gosses, un peu voilés », relève Mathieu Bergé. Ceux que des pères moustachus fixaient au Caméscope. « Les premiers moments importants. » Les enfants qui riaient d’être allongés dans les porte-bagages du train spécial pour une demie ou une finale.
Gilles Bordachar présente la photo d’une pièce de musée : le logo historique de l’Aviron découpé dans une plaque de fer. « La SNCF accrochait ça sur les TER spéciaux qui transportaient les supporters. Je crois que celle-là est allée à la finale de 1982. »
Bus couchettesMathieu Bergé n’avait pas sorti son bob depuis 1992 et la demi-finale perdue contre Biarritz. « Mais je l’avais en 1983. En 1982, c’est mon père qui le portait. » « Mon père avait acheté le bob que je porte et je le transmettrai à mon fils », sait Patrice Arnaud. « C’est le symbole d’un lien au club et aussi entre nous. » Mathieu Bergé sait que pour beaucoup, « avoir le bob au match, c’est un peu amener ceux qui ne sont plus là dans ces moments heureux auxquels on regoûte ».
« Avoir le bob au match, c’est un peu amener ceux qui ne sont plus là dans ces moments heureux auxquels on regoûte »
Francis Dannoot avait 12 ans en 82. « On a suivi le club toute l’année, avec mon frère, mon père et ma mère. On partait en famille voir les matchs. Mon père était routier, on s’arrêtait dans les restos routiers qu’il avait repérés sur le chemin. » Dominique Ochin a bien connu les déplacements en famille, selon le calendrier des matchs. « On ne partait pas en vacances, c’était ça nos vacances. Ce sont des moments très chers. » Il convoque avec tendresse les « bus couchettes » : « Les jeunes d’aujourd’hui ne savent pas que ça existe ! » « Les phases finales du championnat commençaient en 32e, rappelle Mathieu Bergé. Ça durait trois mois, c’était le chassé-croisé des supporters à travers toute la France. »
VestigeOscar Limiñana, lui, n’était pas né dans les glorieuses années 1980. Mais il possède le bob, « symbole de ce que ma génération n’a pas vécu et lien avec celle de nos parents ». Il fut longtemps à vendre par l’omnisports. « Je jouais à l’école de rugby et je le voyais exposé dans une vitrine du garage de la Nive. » Avec peut-être une écharpe, quelques fanions à franges et qui sait, un badge aux couleurs du club. « Il est revenu dans ma vie dans le bus pour Périgueux où l’Aviron allait jouer la remontée en Top 16. Des gens plus âgés portaient le bob. »
« Il a ce petit côté vintage, avec cette typographie rétro qui revient à la mode. C’est un objet branché »
Le garçon d’alors s’est payé un exemplaire de ce « vestige du monde amateur ». « Il n’y avait quasiment pas de produits dérivés, juste les trucs de la vitrine qu’un bénévole t’ouvrait. C’est pour ça aussi que le bob est resté. Et qu’il est culte. Aujourd’hui, il serait passé à la trappe. » Chassé par une éphémère nouveauté made in China, noyé sous le volume. « Mais le bob est éternel ! »
HeureuxEt très actuel, veut croire Oscar Limiñana. « Il a ce petit côté vintage, avec cette typographie rétro qui revient à la mode. C’est un objet branché. Regarde, les 18-25 ans d’aujourd’hui qui se refont la coupe ‘‘mulet’’, on est dans ce ‘‘revival’’. Je pense que l’asso du rugby devrait ressortir le bob. » « Il a la classe », loue Francis Dannoot. « En 2019, après la finale d’accession remportée contre Brive (1), certains avaient voulu refaire le bob. »
Dans les tribunes de Jean-Dauger, vendredi contre Clermont, Mathieu Bergé a vu « des gens heureux, tout simplement ». « Je dirais qu’il y avait quelque chose de l’ordre de la tendresse du moment ensemble. Ça fait du bien. » Peut-être le bob symbolise-t-il aussi des temps plus simples, plus doux, plus rassurants vus de 2025.
(1) Victoire contre Brive (21-19) sur une pénalité dans les ultimes secondes de Martin Bustos Moyano.
SudOuest