Choose France : le rendez-vous des grands patrons à Versailles dans un univers parallèle

Depuis 2018, le rituel est immuable. À chaque fois que l’Élysée invite les grands patrons du capitalisme mondialisé au château de Versailles pour son grand raout Choose France, la brosse à reluire est de sortie pour présenter l’économie française sous son meilleur jour. Mais le cirage est plus compliqué à étaler quand on en manque.
Vendredi 16 mai, le ministère du Travail s’est ainsi félicité des chiffres du chômage du premier trimestre 2025. S’il lui était difficile de se réjouir de la nouvelle mais légère hausse du nombre de privés d’emploi (64 000 personnes de plus pour un total de 2,4 millions de chômeurs), le taux d’activité des travailleurs a en revanche fait son bonheur. 69,5 % des 15-64 ans se trouvent désormais en emploi (+ 0,6 % sur un an) par la grâce du recul de l’âge de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans, qui augmente mécaniquement le nombre de 55-64 ans au boulot (61,5 %).
Il n’en reste pas moins que l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), à l’unisson de tous les prévisionnistes de la place parisienne, prévoit « une remontée du taux de chômage à 7,9 % d’ici à la fin de l’année et à 8,5 % d’ici à fin 2026 ; et près de 200 000 pertes d’emplois sur ces deux années ». Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, qui totalisait déjà 300 plans sociaux fin 2024, constate elle aussi sur le terrain une « accélération » des « plans de licenciement en cours » et dénonce un gouvernement « dans le déni » et qui « refuse d’agir ».
De fait, les mauvaises nouvelles se sont succédé la semaine dernière. Au Havre, la fermeture de l’un des deux fours de la verrerie haut de gamme Saverglass pourrait coûter 139 postes sur 480. Deux jours auparavant, la nouvelle direction d’Atos annonçait un repositionnement stratégique avec un millier d’emplois dans des « fonctions supports » sur le carreau. Le même jour, la banque britannique HSBC envisageait de couper 348 postes, soit plus de 10 % de ses effectifs en France…
Les multinationales du CAC 40 ne sont pas plus fiables, malgré les quelque 200 milliards d’argent public annuels versés à travers 2 200 dispositifs recensés par la commission d’enquête sénatoriale sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants.
Au « désengagement industriel et social du secteur pharmaceutique en Europe » dénoncé par les syndicats de Sanofi après l’annonce de la direction de 20 milliards de dollars d’investissements aux États-Unis d’ici à 2030, se sont ajoutées les vraies-fausses assurances d’ArcelorMittal de lâcher le 1,5 milliard d’euros nécessaire au verdissement de ses hauts-fourneaux de Dunkerque. Du moins si, et seulement si, l’Europe accélère ses mesures de protection du marché de l’acier. Quant au directeur général de Valeo, interrogé sur France Inter samedi, il n’a donné aucune garantie sur l’emploi en France, même après la fermeture de deux usines ce premier semestre.
Pour le cabinet d’études Asterès, l’heure est à la grimace puisque trois moteurs de l’économie sont en panne : « La consommation des ménages a stagné au premier trimestre 2025, l’investissement s’est contracté de – 0,2 % (la baisse a été plus forte pour les ménages, à – 0,3 %, signe de difficultés persistantes de l’immobilier) et le commerce extérieur a contribué négativement à la croissance pour – 0,4 point du fait d’une hausse des importations alors que les exportations se repliaient nettement. » Seule la variation positive des stocks des entreprises a évité à l’économie tricolore de boire la tasse au premier trimestre. Finalement, il n’y a qu’à Versailles que deux cents grands patrons pourront faire bombance ce lundi.
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