Patrimoine : quatre sites naturels qui inventent une écologie de la conservation

Implanté au carrefour géologique entre Alpes du Nord et du Sud, le jardin du Lautaret a été créé en 1899 par l’université de Grenoble dans le but de comprendre l’adaptation des plantes à un milieu hostile. Saccagé pendant la Seconde Guerre mondiale, il a retrouvé sa vigueur dans les années 1950 et s’est imposé comme l’un des plus hauts jardins botaniques d’Europe (2 100 mètres d’altitude), récompensé en 2024 du prix de l’Art du jardin.
Ouvert à la visite jusqu’au 1er septembre, il présente sur deux hectares 2 000 espèces végétales, du pavot bleu d’Himalaya jusqu’aux plantes du Caucase. C’est aussi un laboratoire d’altitude prisé des chercheurs qui étudient l’impact du changement climatique, sous la tutelle du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Pour le projet « Alpages volants », une parcelle de montagne a même été déplacée par hélicoptère 500 mètres plus bas afin de mesurer sur dix ans les effets de trois degrés supplémentaires sur l’écosystème !

Restaurer le jardin historique du XVIIIe siècle tout en s’adaptant aux aléas climatiques et aux directives de l’État sur le respect de l’environnement et la gestion durable des ressources. Voici le défi relevé par le château de Talcy (Loir-et-Cher), trésor méconnu du Centre des monuments nationaux.
Le travail des jardiniers a permis au patchwork de carrés de potager et de vergers palissés de retrouver sa splendeur et de reconquérir en 2022 le label « Jardin remarquable ». Si des recherches dans les archives ont été effectuées pour retrouver les variétés anciennes, le choix des jardiniers s’est aussi porté sur des plantes plus résistantes aux événements extrêmes comme la lavande, les euphorbes ou le chêne de Turquie.
L’arrosage a été repensé pour privilégier des tuyaux microporeux afin de limiter l’évaporation. Contre la pyrale du buis, des nichoirs et de petits réservoirs d’eau ont été installés : les mésanges qui se repaissent de ce parasite constituent de parfaits auxiliaires de culture !

Longtemps, le parc paysager de 13 hectares, donné à l’État en 1973 en même temps que le château, ne fut pas la priorité d’Henri-Luc Camplo, responsable du Centre national du microfilm et de la numérisation, installé sur le site. Dans la foulée de la COP21, la lecture des essais du philosophe Bruno Latour, penseur de la crise écologique, lui a ouvert les yeux. Le dépérissement des grands cèdres du parc apparaissait comme le signe des bouleversements déjà à l’œuvre.
Le directeur s’est alors saisi d’un dispositif juridique peu connu, l’obligation réelle environnementale, et a signé en 2022 une convention avec le Syndicat mixte pour la protection et la gestion de la Camargue gardoise, et le Conservatoire d’espaces naturels d’Occitanie. L’objectif : repenser entièrement la gestion du site. Premières résolutions : opter pour la fauche tardive, afin de préserver la faune et la flore, et effectuer les travaux sur le bâti l’hiver pour ne pas gêner la colonie de chauve-souris.

Le parc du château de Vaux-le-Vicomte, en Seine-et-Marne, subit de plein fouet les conséquences du réchauffement. En 2019, à la suite de la mort de 60 % des pieds de buis victimes de la pyrale, un papillon dévastateur, les broderies végétales dessinées par Le Nôtre au XVIIe siècle et réinterprétées par Achille Duchêne au début du XXe siècle ont dû être arrachées. En attendant de trouver un remède efficace, l’artiste Patrick Hourcade a reproduit les arabesques à l’aide de plaques d’aluminium reflétant le ciel.
Pour le reste des 33 hectares de jardins à la française, en plein soleil pendant l’été, il a été décidé de tondre la pelouse moins souvent pour qu’elle conserve sa fraîcheur. Sur le parterre de fleurs, on plante des essences qui exigent moins d’arrosage. Dans les 450 hectares de forêt alentour, on remplace peu à peu le chêne pédonculé par du chêne sessile, plus résistant à la sécheresse. Les essences méditerranéennes sont pour l’instant trop sensibles aux gelées tardives, peu adaptées aux sols du Bassin parisien et sans débouchés pour la filière forestière.
La Croıx