"Qui brille au combat": la douleur au cœur de Joséphine Japy

Incapable de parler. À l’issue de la projection en Séance Spéciale de Qui brille au combat, sous un tonnerre d’applaudissements, Joséphine Japy a été submergée par l’émotion. Tout juste a-t-elle pu remercier le public festivalier pour l’accueil fait à son premier film, alors que sa maman et sa sœur étaient également dans la salle. Car c’est bien de sa famille dont il s’agit dans le film. Un clan, soudain confronté à une terrible adversité: le handicap de Bertille la fille cadette, atteinte d’une maladie génétique dont les symptômes sont proches de l’autisme.
Le quotidien de chacun en est évidemment bouleversé, tant pour une mère courage (Mélanie Laurent) qui se dévoue quasiment jusqu’au sacrifice pour s’occuper de sa fille, pour un père un peu défaitiste et dépassé, que pour Marion, la sœur aînée de 17 ans, qui devient très (trop) vite adulte sous le poids des responsabilités qui lui sont attribuées. Mais qui doit aussi songer à s’émanciper, pour se forger son identité. Le thème est sombre, mais son traitement est solaire. Et pas seulement parce qu’il a été tourné sur la Côte d’Azur, notamment à Nice (la vieille ville, la Prom’, le cinéma Rialto) et dans les Gorges de l’Estéron.
"J’ai enfin partagé un secret que j’avais bien gardé"Décor paradisiaque, pour témoigner d’une situation qui frôle parfois l’enfer? "Ma mère s’est installée récemment dans la région, et ça m’intéressait de tourner dans cet endroit à la fois urbain et proche de la nature. Et puis je m’étais dit, je vais avoir beaucoup de lumière, mais en fait, il n’a fait que pleuvoir! (en septembre et octobre, ndlr) Même les gens du coin me disaient: ‘‘On est désolé, on n’a pas vu ça depuis quinze ans’’! se souvient Joséphine. Il y avait beaucoup de vent, de précipitations, c’était fou, et en même temps, ça a apporté quelque chose d’étrange: il y avait ces belles façades, ces couleurs, la mer et puis aussi le vent, la pluie, les nuages… Ça correspond bien au film!"
Entre tempêtes et éclaircies, la famille Roussier tient tant bien que mal la barre, à la recherche d’un diagnostic plus précis pour Bertille, tandis que Marion expérimente l’amour et la sexualité. Et si plus d’un spectateur peinait à retenir une larme, c’est justement parce que l’œuvre ne cherche jamais à leur en soutirer. Avec la sincérité d’une nouvelle réalisatrice, qui s’inspire de sa propre histoire.
"J’ai l’impression d’avoir enfin partagé un secret que j’avais bien gardé, souffle Joséphine, qui a ressenti très tôt l’envie de réaliser depuis ses débuts dans le cinéma, mais je ne pensais jamais raconter tout cela dans un premier film. Sauf qu’à 27 ans, lorsqu’un diagnostic précis a enfin été établi sur la maladie de ma sœur, je me suis naturellement mise à l’écrire. Ce diagnostic ne change rien à son état, mais il change la vie."
Poser un nom sur le mal, pour mieux l’endurer. Avec Qui brille au combat pour effet cathartique? "Oh, vous savez, je suis suffisamment allée chez le psy avant. Mais j’aurais été incapable de faire ce film si j’avais encore trop de choses à régler avec la maladie de ma sœur et ses conséquences, sinon ça aurait été trop douloureux et torturé."
Pour que les "enfants de verre" se sentent moins seulsPoussée précipitamment dans l’âge adulte, la femme qu’elle est devenue affirme n’avoir "pas de message à faire passer. Mon seul espoir est de provoquer des émotions chez les gens. Je souhaite aussi que le film touche les frères et sœurs, qu’ils se sentiront mieux compris. En particulier les ‘‘enfants de verre’’ (un enfant invisibilisé face à une sœur ou un frère aux besoins particuliers, relégué involontairement au second plan, ndlr), afin qu’ils se sentent moins seuls. Je veux ainsi leur dire qu’il faut aussi qu’ils se réalisent, qu’ils se donnent le temps de vivre en dehors de tout ça."
Un parcours que Joséphine Japy a su accomplir brillamment, ravie de revenir sur la Croisette où elle a été découverte avec Respire, il y a dix ans. "C’est fabuleux, c’est le prolongement de plein de choses car c’est Mélanie Laurent, la réalisatrice, qui m’avait donné un premier rôle et permis de faire ma première montée des marches, et aujourd’hui, les rôles sont joliment inversés."
Interprète de talent également, Joséphine avait déjà marié fiction et réel en incarnant la femme de Claude François dans Cloclo ou Dominique Tapie dans la série Netflix. Avec Qui brille au combat, elle touche véritablement au cœur de l’intime.
Nice Matin