Bruxelles envisage d'assouplir les contrôles et les sanctions si les entreprises ne respectent pas l'«agenda vert»
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La Commission européenne définit la « simplification » administrative qu’elle a promise pour le début de son mandat. L’idée principale est de soulager les entreprises de 25 à 35 % de la bureaucratie, sans diluer l’ambition des objectifs climatiques et sociaux de l’UE. Les détails qui commencent à être connus laissent toutefois entrevoir des exigences environnementales moindres pour les entreprises, comme l’application de la norme un an plus tard que prévu (de 2027 à 2028), des sanctions maximales moins importantes que celles initialement décidées, ou encore la suppression de la possibilité d’engager des poursuites civiles pour les syndicats et les ONG lorsqu’ils estiment que la loi est enfreinte. C'est ce qui ressort d'un projet partiel de loi dite omnibus, que Bruxelles prépare et que le Collège des commissaires approuvera mercredi, auquel ce journal a eu accès.
L’éventail des mesures que la Commission envisage de mettre sur la table se limite à des modifications de la directive sur la diligence raisonnable en matière de durabilité des entreprises (CSDDD). Cette loi vise à garantir que les entreprises respectent les normes environnementales et à lutter contre l'exploitation des enfants, tant au sein de l'entreprise elle-même que dans sa chaîne d'approvisionnement, et a été approuvée il y a moins d'un an. Mais ce n’est pas la seule règle qui devrait être modifiée. Il y a aussi, entre autres, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, qui vise à taxer les produits industriels arrivant dans l’UE fabriqués avec des normes environnementales moins exigeantes. Dans ce cas, l’idée est d’exempter les petits importateurs, ceux qui font entrer dans l’UE des produits dont la fabrication a provoqué des émissions de dioxyde de carbone inférieures à 50 tonnes. Selon le libellé actuel, ce groupe d’hommes d’affaires devait effectuer les déclarations douanières correspondantes.
Un autre élément qui devrait apparaître parmi les initiatives de cette semaine est la soi-disant taxonomie , la classification qui établit quels investissements peuvent être classés comme favorables à la lutte contre le changement climatique. Des sources européennes se sont toutefois montrées confiantes lundi quant au fait que cette mesure ne figurerait pas parmi les règles susceptibles d'être modifiées.
Le premier paquet omnibus de "simplification", qui sera rendu public mercredi, est encore sujet à modifications, préviennent plusieurs sources européennes proches des négociations. La Commission est soumise à une forte pression extérieure : d'un côté, les entreprises et les organisations patronales, qui réclament une plus grande « simplification », fortement soutenue par des pays comme la France et l'Allemagne ; D'autre part, les ONG, les syndicats et les partis politiques (sociaux-démocrates et verts) avertissent que cette initiative risque fort de négliger les objectifs environnementaux fixés lors de la dernière législature. L’objectif peut se résumer en un chiffre et une date : parvenir à une économie décarbonée d’ici 2050.
Depuis que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a lancé l'idée de réduire les charges administratives pesant sur les entreprises comme l'une des mesures visant à stimuler la compétitivité en juillet dernier – soit avant la victoire de Donald Trump aux élections américaines – Bruxelles insiste sur le fait que les révisions ne visent pas à abaisser les normes environnementales. L’objectif est de « simplifier » (le mot déréglementer est volontairement évité) afin de réduire la bureaucratie. « Nous n’abandonnons pas nos objectifs politiques, notamment ceux du Pacte vert , comme la neutralité carbone d’ici 2050 et l’objectif de réduction des émissions de 55 % d’ici 2030. « Nous cherchons comment nous pouvons y parvenir à moindre coût et avec plus d'efficacité », a déclaré Valdis Dombrovskis, le commissaire chargé de cette tâche, dans une récente interview accordée à ce journal .
Le groupe social-démocrate, deuxième plus grand groupe au Parlement européen, n'est pas du tout convaincu par cette déclaration d'intention. En fait, la semaine dernière, ils ont envoyé une lettre à Von der Leyen exprimant leur inquiétude quant à l’avenir d’une directive qui n’a pas encore été mise en œuvre et qui « ne contient pas d’obligations de rapport supplémentaires ». Ce n’était pas la seule lettre de ce genre que l’exécutif européen avait reçue : quelques jours plus tôt, c’était le gouvernement espagnol qui lui avait demandé de ne pas ouvrir la porte à une baisse de l’ambition de l’agenda vert européen.
Les organisations environnementales ont également souligné que les règles à modifier avaient déjà perdu leur ambition lors des négociations entre le Parlement et le Conseil de l'UE au cours de la législature précédente. Les abaisser encore davantage, affirment-ils, affaiblirait considérablement les obligations environnementales des entreprises, qui seraient également peu incitées à se conformer aux obligations légales qui échappent à cette réduction, puisque les sanctions en cas de non-conformité ont également été réduites. Tout cela, indiquent-ils, se produit avant même que la réglementation ne soit en vigueur, sans avoir réalisé d’analyses d’impact transparentes des changements et à un moment où bon nombre d’entreprises ont déjà réalisé des investissements substantiels pour s’adapter à la nouvelle réglementation, désormais potentiellement révisée.
« La Commission a décidé de supprimer trois piliers clés du Pacte vert qui garantissent que les entreprises agissent de manière responsable tout au long de la chaîne de valeur – une décision imprudente qui pourrait non seulement entraver les objectifs environnementaux de l’UE, mais aussi la compétitivité du marché », prévient Amandine van den Berghe, responsable de la pratique de Client Earth, une ONG d’avocats qui poursuit les entreprises et les gouvernements de 60 pays pour « les tenir responsables de leurs engagements climatiques ».
Contrairement à Madrid et aux lobbies environnementaux, des mouvements ont vu le jour à Paris et à Berlin, qui ont fait pression sur la Commission pour qu’elle « simplifie la réglementation ». De nombreuses organisations patronales les soutiennent, notamment la principale association patronale espagnole, la CEOE, qui a envoyé lundi une lettre à Bruxelles soulignant que « la simplification réglementaire ne remet pas en cause l'engagement des entreprises envers les objectifs climatiques et le modèle social européen : c'est précisément [...] ainsi que nous faciliterons la réalisation de nos objectifs communs ».
EL PAÍS