Endofibrose – la maladie du cycliste qui peut toucher aussi bien les sportifs amateurs que les professionnels du Tour de France

En tant qu'athlète du Tour de France – et même en tant que cycliste amateur ambitieuse –, on ne peut pas supporter une douleur à une jambe qui empêche de rouler. La cycliste professionnelle genevoise de 27 ans est visiblement agacée par cette gêne. Après tout, elle veut absolument participer aux Jeux olympiques, confie-t-elle à son médecin.

À chaque fois qu'elle fait du vélo avec intensité, elle ressent des douleurs à la cuisse et à la fesse droites, sa jambe s'engourdit et son pied blanchit. Dès qu'elle ralentit, les symptômes disparaissent. Et lorsqu'elle ne fait pas de vélo, elle n'a aucun problème.

Damiano Mugnai, chirurgien vasculaire aux Hôpitaux universitaires de Genève, soupçonne immédiatement quelque chose. Ce que décrit la femme est typique de l'endofibrose : une maladie vasculaire fréquente chez les cyclistes d'endurance. Une section centimétrique d'une artère pelvienne est rétrécie, ne reçoit plus suffisamment de sang et l'oxygène atteint la jambe est insuffisant.

À l'intérieur du vaisseau, une quantité anormale de tissu conjonctif s'est formée, semblable à une cicatrice. Cela est probablement dû à la pression constante exercée sur l'artère par le mouvement dans la même position. Contrairement aux troubles circulatoires liés à l'artériosclérose, le manque d'oxygène ne provoque de douleur que dans une seule jambe, car seule l'artère iliaque d'un côté est généralement touchée. Certains patients ressentent une faiblesse ou des crampes dans la jambe. Ceux qui ignorent les symptômes et continuent l'exercice risquent, dans le pire des cas, la mort de leurs orteils.

Selon les estimations, une personne sur 100 000 est diagnostiquée chaque année. « Mais ce chiffre pourrait être plus élevé », explique Martin Halle, directeur de la chaire de médecine sportive préventive et de cardiologie sportive à l'Université technique de Munich. « Les médecins n'interprètent pas toujours correctement les symptômes et considèrent qu'une maladie vasculaire est peu probable chez les athlètes. » Les problèmes musculaires ou tendineux sont plus souvent évoqués, plutôt que les lésions vasculaires, qui surviennent généralement chez les personnes âgées.

De plus, tous les cyclistes connaissent les douleurs et les picotements dans la jambe, et ne consultent donc pas immédiatement un médecin. Bien sûr, il n'est pas nécessaire de consulter immédiatement un médecin du sport pour chaque crampe, explique Martin Halle. « Mais si les symptômes surviennent régulièrement, toujours d'un seul côté, et sont déclenchés par une pratique intensive du vélo, je recommande de consulter un médecin. »

En 1985, des médecins du CHUV ont décrit dans une revue scientifique une endofibrose chez deux cyclistes professionnels. Depuis, plus d'une centaine d'autres articles scientifiques ont été publiés. Cependant, il semble que les médecins n'en soient pas davantage conscients, ou que les personnes concernées ne consultent toujours pas : il faut en moyenne trois ans pour qu'un diagnostic soit posé, comme c'est le cas aujourd'hui.

Un examen du cyclisme professionnel montre que l'endofibrose est un problème fréquent. On trouve en ligne des dizaines d'histoires d'athlètes atteints de cette maladie. Le Luxembourgeois Bob Jungels, par exemple, a souffert d'une baisse de performance pendant des années, jusqu'à ce que la cause soit finalement découverte en 2021. Il a alors été contraint de manquer les Jeux olympiques de Tokyo et le Tour de France.

Le coureur allemand Holger Loew, champion du monde junior 1996, a dû abandonner le cyclisme en raison d'une endofibrose. Patrick Müller, champion suisse de cyclisme sur route Espoirs 2015, a également mis un terme à sa carrière en 2019 en raison de douleurs persistantes à la jambe gauche. On estime qu'un coureur du Tour de France sur dix à un sur cinq est concerné.

Les triathlètes et les marathoniens peuvent également en être atteints, tout comme les sportifs amateurs. Cependant, il n'existe pas de statistiques sur le nombre réel de personnes atteintes. Le risque augmente avec le nombre de kilomètres parcourus. Des études ont montré que les personnes concernées s'entraînaient généralement entre 10 000 et 15 000 kilomètres par an, soit 200 à 300 kilomètres par semaine, souvent plus.

Dès que le médecin suspecte un problème, le diagnostic est simple : la pression artérielle est mesurée à la cheville et au bras, une fois au repos et une fois après un effort maximal sur l'ergomètre. En cas d'endofibrose, la pression à la cheville après un effort maximal est plus faible que chez les personnes en bonne santé.

Pour confirmer le diagnostic, le médecin effectuera une échographie des vaisseaux et demandera généralement un scanner ou une IRM avec produit de contraste. Cela permettra d'identifier clairement le rétrécissement. Le traitement est simple : s'abstenir de toute activité physique pendant six à huit semaines, puis reprendre progressivement et arrêter si la douleur réapparaît.

La cycliste professionnelle genevoise n'était pas du tout enthousiaste à cette idée, explique le chirurgien vasculaire Damiano Mugnai. « Elle a catégoriquement refusé, car le cyclisme était sa vie. » Le problème peut être corrigé par la chirurgie : le chirurgien ouvre le vaisseau rétréci, retire le tissu cicatriciel et obture l'artère avec un morceau de veine. Mugnai a procédé de la même manière avec la Genevoise. Mais lorsqu'elle a repris l'entraînement six semaines après l'opération, la douleur est revenue, plus intense qu'avant.

Suite à l'intervention, du tissu anormal s'était formé dans l'artère opérée. Mugnai a dilaté la zone nouvellement rétrécie à l'aide d'un cathéter à ballonnet. Deux mois plus tard, la femme pouvait reprendre l'entraînement complet. « Elle ressentait encore des douleurs occasionnelles lors d'entraînements intenses, mais elle semblait les ignorer », explique Mugnai. « Des années plus tard, j'ai appris que, même si elle n'avait pas remporté les Jeux olympiques, elle avait gagné plusieurs autres courses. »